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Comment être efficaces pour l’emporter ? (I)

novembre 2010

Premier bilan du grand affrontement de classe (automne 2010)

Forces et particularités
du mouvement

Nous vivons une grande période
d’affrontement de classes, renvoyant
à l’analyse de Marx-
Engels sur « La France, pays
classique des luttes de classes ».
Le mouvement de luttes actuel
s’inscrit dans la continuité du
cycle inauguré en 1968, prolongé
sous d’autres formes en 1995,
2003 et à moindre échelle 2009.

Affrontement contre la politique
des monopoles et de leur État.

Ces mouvements ont leurs aspects
communs : grèves nationales,
caractère massif de la lutte.
Le mouvement en 2010 présente
des caractères originaux qui le
différencient des luttes survenues
depuis 68. C’est sans
conteste le caractère massif et
large s’étendant des travailleurs
tant du privé que du public à la
jeunesse populaire. L’héritage
de la lutte victorieuse contre le
CPE y est pour beaucoup, mais
maintenant la jeunesse présentée
par les médias capitalistes
comme « égoïste, individualiste,
dépolitisée » se montre généreuse,
collective, solidaire avec
les générations précédentes dans
la défense des droits démocratiques
et sociaux. C’est là un atout
précieux pour les luttes actuelles
et à venir.

Le mouvement, grâce
aux journées de manifestations
le samedi, s’est élargi aux travailleurs
des PME, privés de fait
de droits syndicaux, et à des
catégories non grévistes comme
certains cadres et ingénieurs,
inquiètes aussi du prolongement
de leur durée de carrière.

Aspect totalement original
(embryonnaire en 2003), les
travailleurs ont relié la lutte pour
la retraite à 60 ans à leur mécontentement
général contre la
politique du pouvoir, mais ont
aussi dépassé par leurs forces et
leurs luttes nombre de limites du
syndicalisme d’aménagement.
Pourtant, le mouvement 2010
cumulait plusieurs handicaps.
Les directions syndicales
(accompagnement oblige) misaient
sur la « concertation ». La
nomination de Woerth avait été
accueillie positivement, comme
« homme de dialogue ». La réalité
l’a rattrapé comme ami de
la finance et à son service exclusif
 !

Dès lors, la stratégie des
directions syndicales était
connue : lancer des journées
d’actions espacées pour un double
but : peser sur le gouvernement
afin qu’il ouvre des négociations,
tout en évitant la politisation
par la grève générale qui
ciblerait la politique gouvernementale
ou gênerait le PS qui
n’a pas encore désigné son candidat
pour 2012 ! Les propos de
Bernard Thibault étaient clairs à
cet égard : « Le texte n’est pas
bon en l’état
 » ou ceux de François
Chérèque visant un moratoire
sur les « 67 ans » jusqu’en
2015. D’autant que le PS, après
les déclarations de Martine Aubry,
favorables au passage à la
retraite à 62 ans, s’était rallié
aux « 60 ans » moyennant l’allongement
de durée de carrière !

« Modération » acceptable pour
le pouvoir, puisque les directions
syndicales (sauf FO et SUD)
rejetaient le mot d’ordre de retrait
du projet !

Le grain de sable

Ce dispositif qui avait
« enrobé » les luttes précédentes
n’a pu fonctionner. Car c’était
sans compter sur plusieurs facteurs.
Tout d’abord, le formidable
mécontentement qui ne cesse
de s’alimenter des cadeaux par
milliards, que fait Sarkozy à
l’aristocratie financière, des bas
salaires, du stress et du chômage
de la majorité. Ce fut aussi, par
calcul électoral, la volonté de
Sarkozy de passer en force,
quitte à gâcher provisoirement
les bonnes relations avec certains
responsables syndicaux
nationaux. Enfin, et ce fut la
force réelle du mouvement, l’objectif
non pas d’être une force
de « témoignage » vite canalisée,
mais de battre le gouvernement
et sa réforme de régression
antisociale.

Le mouvement s’est
caractérisé par l’ampleur, la
continuité et l’élargissement, en
forgeant par delà les états-majors
dépassés et bousculés, un
front uni objectivement dirigé
contre la politique du gouvernement
et du capital. Les manifestations
sont remarquables depuis
le début et cette volonté de gagner
s’est concrétisée par les
grèves reconductibles dans certains
secteurs, avec l’émergence
d’une nouvelle avant-garde dans
les raffineries, les cheminots, les
transporteurs urbains, les
éboueurs, les travailleurs portuaires.
La classe ouvrière a joué
son rôle directeur dans la lutte.

La politique d’aménagement des
contre-réformes mise à mal, les
directions des centrales ont su
s’adapter en suivant le mouvement,
mais en se gardant bien
d’oeuvrer à sa généralisation, y
compris sous des formes inédites
 !

Les grands mérites du
mouvement

La majorité a su, devant le refus
du pouvoir de toute discussion,
avancer de plus en plus le mot
d’ordre de retrait du projet
Woerth, de retraite à 60 ans à
taux plein. Enfin, les travailleurs
les plus avancés ont mesuré que
les manifestations importantes
n’étaient pas suffisantes en soi
pour faire reculer le pouvoir.

D’où l’importance de la grève
pour bloquer la production et
frapper le capital dans ses profits.
Reste à étudier les formes
pour ne pas laisser certaines
catégories seules aux avant-postes.

Les illusions entretenues par le
PS et les directions des centrales
d’accompagnement sur les
échéances parlementaires n’ont
pas eu d’effet démobilisateur.

Après le retrait du CPE voté au
parlement, les travailleurs sont
de plus en plus nombreux à mesurer
que ce que le parlement
fait en force, la rue et les grèves
le défont. Un autre évènement
est fondateur de la période que
nous vivons, celui de la victoire
du NON au référendum sur le
TCE.

La majorité des
Français s’oppose à
la loi Woerth. Une
fois votée, le combat
change de
forme et doit se déployer
pour son
abrogation !