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Charonne (février 62) : Crime d’Etat !

mercredi 8 février 2012

50ème anniversaire CHARONNE 8 février 2012.

LE CRIME D’ETAT NE SERA JAMAIS OUBLIE !

En 1961-62, alors que la lutte armée du peuple algérien était sur le point de l’emporter, les forces démocratiques de France menaient un combat difficile pour préserver les acquis de la lutte antifasciste de la Résistance et pour en finir avec la guerre d’Algérie, issue indissociable de la reconnaissance de son indépendance.

Le putsch des généraux, le terrorisme d’Etat du 17 octobre 1961 ne constituaient pas seulement l’écume du passé mais bien la prégnance des conceptions ultras qui avaient prise au sein de l’appareil d’Etat et coexistait avec certains penchants du gaullisme, manifestés dès la création du RPF en 1947.

La tâche des forces syndicales et progressistes était donc, alors que les « Français musulmans d’Algérie » subissent un scandaleux couvre-feu, de lutter contre la menace fasciste et factieuse de l’OAS et d’exiger la fin de la guerre en Algérie, de défendre résolument les libertés démocratiques, notamment le droit de manifestation.
Quant au pouvoir gaulliste, il tenta de promouvoir un large rassemblement national n’excluant que les tenants de l’OAS et le PCF. Le pouvoir dénonçait prétendument deux « extrêmes » :

1/ Les ultras dont beaucoup avaient contribué au succès du coup de force de De Gaulle en 1958. Ces ultras n’avaient pas compris que le colonialisme d’ancien type avait fait son temps. Que l’impérialisme français sous la houlette de De Gaulle envisageait de pérenniser sa domination par le néo-colonialisme (indépendance étatique, dépendance économique) dans les Etats d’Afrique noire après la défaite inévitable en Algérie.

Dans ce combat contre les ultras, l’objectif de l’Etat était de reconquérir nombre de factieux (en isolant et réprimant une poignée d’irréductibles) notamment grâce à l’anticommunisme déchaîné ; ce qui sera fait par la loi d’amnistie en 1968 en regroupant le camp de la réaction effrayé par les grèves.

2/ - contre les forces anticolonialistes et démocratiques à la fois opposées au tournant réactionnaire sur toute la ligne que constituaient le pouvoir gaulliste, à la Constitution de la Vème République (monarcho-présidentialisme) et favorables à la paix et à la reconnaissance de l’indépendance algérienne.

Il s’agissait pour le pouvoir d’interdire toutes les manifestations de solidarité avec le peuple algérien et ainsi, de « rassurer » les courants ultras de l’armée et de la droite sur l’anticommunisme du président et du gouvernement, de donner aussi des gages aux monopoles sur la fermeté à opposer aux grèves et luttes conduites par la CGT et le PCF très puissants, par également une répression d’une grande brutalité.
Dans les jours qui précèdent les tueries au métro Charonne, l’OAS (Organisation armée secrète) bras armé et terroriste des fascistes et factieux, tout en bénéficiant du soutien d’une partie des corps répressifs d’Etat, se livre à plusieurs attentats contre des personnalités. Il s’agissait d’instaurer un climat de terreur ouverte anti-FLN et anticommuniste, de limiter toujours plus les droits démocratiques : des écrivains comme Vladimir Pozner, André Malraux (ministre gaulliste de la culture), le professeur de droit constitutionnel Georges Vedel furent visés…
L’émotion et la colère atteignirent leur paroxysme quand l’attentat contre Malraux fut manquée et qu’une petite fille - Delphine Renard – fut touchée grièvement en restant handicapée à vie.

Malgré les interdictions de manifester pour les forces démocratiques et anticolonialistes, succédant au non moins scandaleux couvre-feu pour les Algériens vivant en France », le PCF, la CGT, la CFTC, le PSU (scission des éléments opposés à la guerre dans la SFIO – PS aujourd’hui) appelèrent à manifester, le 8 février 1962 contre le terrorisme de l’OAS, pour la paix en Algérie.

Dans ses mémoires, le préfet Papon, au cœur des grandes répressions et déportations de l’Etat bourgeois de Pétain à De Gaulle, par crainte d’incidents graves aurait demandé à Roger Frey d’autoriser la manifestation !

De Gaulle aurait répondu : « qu’est-ce qui prend à Papon ? ».Malgré l’interdiction, l’appel à manifester sera maintenu. Le déploiement des forces de répression est quasi militaire :

-  13 compagnies d’intervention

-  11 escadrons de gendarmerie mobile

-  3 compagnies de CRS

Les consignes visaient clairement à réprimer par la force :

- casser les rassemblements, donc empêcher la marée des manifestants, en les isolant les uns des autres, cogner les petits groupes pour « favoriser leur dispersion », arrêter les protestataires.
Les corps répressifs étaient dotés de grenades lacrymogènes et de « bâtons de défense » (nerfs de bœuf). La tragédie est dès lors inévitable. Des manifestants furent pris en étau entre le boulevard Voltaire et la place Léon Blum. Les corps répressifs déclenchèrent une véritable chasse à l’homme ; les manifestants furent poursuivis dans les halls d’immeubles et les étages puis sauvagement matraqués. D’autres manifestants furent poussés à fuir vers la bouche du métro Charonne.
Les témoins ont affirmé que les grilles étaient ouvertes, que des matraquages systématiques eurent lieu dans les couloirs et sur les voies. Des corps furent évacués et retrouvés à la station suivante. Dans les escaliers et la bouche du métro Charonne, la police va alors jeter des grilles d’arbres et d’aération du métro contre les manifestants. Des centaines de personnes furent blessés !

8 militants communistes et cégétistes meurent le soir même. Les rapports d’autopsie feront état de fractures du crâne, d’étouffement, un 9ème camarade décédera dans les heures suivantes.

L’URCF dénonce l’horreur de ce crime d’Etat, exige l’ouverture des archives afin que la vérité soit faite sur les commanditaires, les exécutants et les objectifs de cette terreur ouverte.

L’URCF salue le courage et la mémoire des 9 morts de Charonne, victimes de l’Etat policier capitaliste.

Nous ne vous oublierons jamais !

Jean-Pierre BERNARD – 30 ans – Dessinateur

Fanny DEWERPE – 31 ans – Secrétaire

Daniel FERY – 16 ans – Apprenti Presse

Anne-Claude GODEAU – 24 ans – Employée PTT

Edouard LEMARCHAND – 41 ans - Menuisier

Suzanne MARTORELL – 36 ans – Employée à l’Humanité

Hippolyte PINA – 58 ans – Maçon

Raymond WINTGENS – 44 ans – Typographe

Maurice POCHARD (décédé à l’hôpital) – 48 ans

URCF le 8 février 2012

CHARONNE, 8 février 1962 - récit de Renée manifestante à Charonne.

À la fin de la manifestation du 8 février 1962, la nuit était tombée il faisait froid, j’étais aux alentours du métro CHARONNE et d’un seul coup il y a eu des mouvements de foule, on entendait qu’il fallait se disperser, moi et Simone nous sommes restées coincées par la foule, et soudain les gens se sont mis à courir, il était environ 18h, la police chargeait avec des matraques et frappait sur tout ce qui se trouvait sur son passage, on s’est sauvé poursuivies par les flics, on essayait de pénétrer dans les immeubles, mais les portes étaient fermées, et ceux qui réussissait à entrer fermait la porte derrière eux mais la police furieuse et déchaînée frappait sur les portes.
Simone et moi avons réussi à entrer dans un immeuble mais la police nous a poursuivi à l’intérieur, nous sommes montés dans les escaliers et la police était toujours à nos trousses heureusement qu’une femme a ouvert sa porte pensant que c’était sa fille qui arrivait, heureusement car nous n’aurions pas eu le temps de frapper à la porte.
Je n’avais aucune nouvelle de mon mari qui manifestait, j’étais très inquiète.
De la fenêtre on apercevait les gens qui couraient dans tous les sens pour échapper à la police, les grilles d’entrées des métros étaient fermés, les gens essayaient de s’y engouffrer, mais tout le monde était bloqué, aucun moyen de leur échapper.
On est resté chez cette dame très tard le soir, jusqu’à environ 22h, après un calme apparent, nous sommes descendues pour rentrer, et dehors, on entendait au loin, seulement les ambulances, et on voyait sur le sol, des chaussures, des sacs...je ne me souviens même plus comment nous sommes rentrées tellement on était en état de choc d’avoir subi cette sauvagerie policière aveugle, mais commandée !
Le lendemain quand j’ai appris la mort de nos camarades et amis, j’étais bouleversée.
Le 13 février, une foule immense silencieuse rendait hommage aux 9 manifestants assassinés par la police, des heures entières d’attente Place de la République pour que le cortège s’ébranle en direction de CHARONNE.
N’oublions pas CHARONNE !
Je ne peux pas pardonner aux brigades spéciales de police qui ont agi sous les ordres de Maurice PAPON - Préfet de Police et Roger FREY- ministre de l’intérieur du gouvernement gaulliste, qui ont assassiné des travailleurs communistes et cégétistes.

8 février 2012