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Annie Lacroix-Riz : L’histoire contemporaine toujours sous influence

dimanche 13 janvier 2013

A lire et à faire lire :

d’ Annie Lacroix-Riz

L’histoire contemporaine toujours sous influence.

Ed. Delga et le Temps des Cerises 263 pages.

Annie Lacroix-Riz, historienne et militante révolutionnaire publie une réédition de son ouvrage sur la situation de l’histoire contemporaine. En fait il s’agit d’un nouvel ouvrage, pour l’essentiel réécrit comme en témoigne le titre : L’Histoire contemporaine toujours sous influence. En un peu plus de 250 pages, avec un appareil de notes qui montre le sérieux de l’étude, Annie nous décrit le panorama affligeant d’un monde qui n’est plus celui de la Recherche mais celui de la commande pure et simple des appareils idéologiques d’Etat et du Grand Capital. Certes, il ne s’agit pas d’idéaliser le passé. Mais la conjoncture politique des années qui ont suivi la Libération, a fait que le champ idéologique était marqué par les idées démocratiques de la Résistance, par le rôle qu’y avaient joué les communistes et celui de l’Union Soviétique dans l’écrasement du fascisme, tandis que le rôle de la bourgeoisie monopoliste dans le soutien au fascisme et dans la collaboration ne pouvait être effacé des mémoires. Aujourd’hui par contre tout cela a volé en éclat, faisant place à des domestiques universitaires zélés et rétribués, et qui s’ingénient à construire une mythologie pour tenter d’effacer l’histoire réelle. Anticommunisme, antisoviétisme, plaidoyer pour dédouaner le patronat pour ses activités anti-ouvrières et pour son attitude sous Vichy, réhabilitation plus ou moins explicite des cadres de Vichy, sont les éléments marquant de cette historiographie. Elle a en plus la particularité d’être en partie à contre-courant de l’historiographie internationale, y compris anglo-saxonne, l’historiographie française avec 30 ans de retard chaussant les brodequins de la guerre froide.

Deux affaires judiciaires en cours, témoignent des retombés de cette situation : l’affaire des héritiers de Renault qui font condamner le musée d’Oradour sur Glane pour une photo montrant Hitler, Goering et Renault, avant de réclamer indemnisation pour la Nationalisation de 1945. ; condamnation du dernier survivant d’Oradour (décidemment) par le tribunal de Colmar pour avoir rappelé que la Légion Das Reich était composé de SS Alsaciens ! Silence radio chez les Universitaires (sauf Annie) ! Même certains de ceux qui continuent de prendre leur distance avec le courant le plus en pointe, n’en capitulent pas moins, pratiquant l’auto-censure, préférant la lâcheté au risque d’affronter la meute des bien-pensants et des journalistes branchés du Monde, de Libération et Télérama. Il n’est pas inintéressant de savoir que beaucoup de ceux que cite Annie, sont d’anciens du PCF, ou s’ils le sont toujours partagent avec eux la même haine de classe de l’histoire du mouvement révolutionnaire, de ses dirigeants. L’auteur met en relation la conjoncture politico-idéologique et la dégradation du système universitaire consécutif aux politiques menées de restriction de crédit et de privatisation de l’enseignement supérieur. Car derrière tout cela il y a bien la corruption plus ou moins visible du système : il faut trouver de l’argent pour son département, sa faculté, assurer son poste, et pourquoi pas faire de l’argent en plus sous forme de vacations, de rédacteurs de mémoires etc.

Par son petit pamphlet contre les jean-foutres qui pullulent (pas seulement en Histoire Contemporaine d’ailleurs) dans les ruines de l’université bourgeoise française qui fut autrefois prestigieuse, Annie Lacroix-Riz souligne tout à la fois l’état de décadence, de démolition du système universitaire et de l’esprit critique, et l’urgence qu’il y a d’en finir avec la bourgeoisie monopoliste pour refonder la culture et le savoir sur des bases démocratiques c’est à dire socialiste.

Maurice Cukierman