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Portée et héritage de la commune de Paris

2008

Il y a 133 ans, la Commune de Paris "montait à l’assaut du ciel". Parmi les mesures symboliques, le renversement de la colonne Vendôme, monument glorifiant les guerres napoléoniennes. Par là, la Commune signifiait sa répudiation du chauvinisme et condamnait la guerre de conquête comme contraire à l’intérêt des peuples. C’était faire sien le mot d’ordre "Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !"

Le mouvement ouvrier, marqué par près de cinquante années de révisionnisme, se caractérise par une faiblesse de la conscience de classe liée à une méconnaissance de sa propre histoire. Les débats qui ont eu lieu dans nos rangs et parmi les travailleurs et sympathisants grâce à Intervention Communiste révèlent l’ampleur de la tâche de ré-appropriation (critique, bien entendu) de l’expérience de générations de révolutionnaires et d’ouvriers dont l’œuvre la plus grandiose fut l’édification du Socialisme en URSS et dans les démocraties populaires.

Même après l’adoption des 200 thèses de l’URCF, il nous faut étudier, sur la base du marxisme-léninisme, l’apport de la politique du PC(b), de l’URSS, les réalisations immenses de l’URSS et du camp socialiste, contre les falsifications (scientifique, pseudomarxiste, humaniste…). Il en est de même pour le mouvement ouvrier français qui, en plus des mensonges de la bourgeoisie à son encontre, est, en ce qui concerne certains épisodes, en général ceux qui ont la plus grande portée et dont on pourrait tirer les plus précieux enseignements, occulté et largement ignoré. Les voix qui cherchent à contrebalancer l’idéologie dominante sont bien faibles.

Ainsi, la Commune, l’événement le plus glorieux et le plus extraordinaire du 19e siècle, est aussi le plus méconnu. Il faut dire que le silence fait à son sujet est à la mesure de la terreur qu’il provoqua dans les classes possédantes. Tout au plus évoque-t-on des faits militaires et la présente-t-on comme une aventure utopique et désespérée. Effectivement, le prolétariat de Paris et la Garde Nationale s’étaient engagés d’abord pour la défense de la patrie face à la capitulation de l’Empire. Conséquence de l’encerclement de Paris par les troupes prussiennes, la famine sévissait et les parisiens se soulevèrent pour le salut de tous les travailleurs et contre la réaction bourgeoise. En cela, ils n’avaient ni plan pré-établi, ni de véritable théorie scientifique (le Marxisme était peu répandu en France) et donc pas de vision claire de leur tâche. Coexistaient de nombreuses tendances illustrant la faiblesse du mouvement ouvrier : anarchisme, blanquisme, patriotisme…

Les Marxistes de la 1ère Internationale participèrent aussi à la Commune, notamment en la personne de Léo FRANKEL. MARX lui-même observe avec attention les événements, mettant en garde, bien avant mars 1871, contre tout aventurisme dans un rapport de force extrêmement défavorable. Mais une fois l’insurrection commencée, il s’enthousiasme devant ce qui représente pour lui la première expérience de dictature du prolétariat. MARX adresse des conseils, recommandations et analyses à l’Association Internationale des Travailleurs et à leurs militants engagés dans la lutte. Emballement irresponsable ? Que non ! MARX comprend que, toute désespérée que soit la situation, la Commune va devenir l’exemple à suivre pour les prolétaires du monde entier dont la tâche ne consiste plus à s’emparer de la machine d’État mais à la briser. En un peu moins de trois mois de révolution, les travailleurs font l’expérience de la nature de l’ État :instrument d’oppression de la masse par la bourgeoisie et apprendront plus qu’en des décennies de propagande « pacifique » nécessaire mais insuffisante.

Ceci deviendra un des principes tactiques du Léninisme dont l’application permettra la victoire de 1917.

La Commune n’eut pas le temps d’appliquer largement une politique socialiste du fait qu’elle dut se consacrer à la défense de Paris contre l’armée versaillaise, mais elle réussit à prendre quelques mesures en faveur des travailleurs et de la démocratie : - séparation de l’Église et de l’État, suppression du budget des cultes, instauration de l’école laïque. - interdiction du travail de nuit dans les boulangeries, suppression du système des amendes. - remise des usines et ateliers abandonnés ou immobilisés aux associations ouvrières. - traitement des fonctionnaires limité à un salaire normal d’un bon ouvrier.

Le trait le plus essentiel fut la suppression de fait du parlementarisme au profit d’un « corps agissant, exécutif et législatif », le remplacement de l’armée permanente par le peuple en armes. Mais la proclamation de la Commune, c’est-à-dire la passation du pouvoir du Comité Central de la Garde Nationale aux assemblées municipales élues fut, comme le remarqua MARX, effectuée prématurément. Cela permit à des politiciens de l’aile droite de la Commune, comme CLÉMENCEAU, de rechercher le compromis avec THIERS et d’empêcher une offensive contre les troupes versaillaises alors qu’y régnaient le désordre et la confusion. Cette attentisme permit à la réaction de rassembler ses forces à Versailles alors qu’il aurait fallu se lancer à sa poursuite immédiatement.

Un certain nombre d’erreurs et d’imprudences furent également commises, preuve de l’insuffisance de conscience, d’unité politique et de préparation du prolétariat. La Banque de France ne fut pas saisie mais modestement mise à contribution (pour éviter l’accusation de gaspillage des deniers publics) tout en continuant de fonctionner pour les Versaillais. La Commune ne réussit pas non plus à gagner les masses paysannes, majoritaires dans le pays, malgré plusieurs appels au Peuple de France. Les Bolchéviks russes sauront, en retenant cette leçon, s’appuyer sur les Moujiks sensibles au mot d’ordre de « gouvernement bon marché » et intéressés au renversement du pouvoir des propriétaires fonciers. L’héroïsme des insurgés jusqu’à l’écrasement total le 28 mai est légendaire.

Les meilleurs fils et filles du prolétariat de Paris résisteront jusqu’au bout, même après les défections et retournements des éléments petits-bourgeois, boutiquiers… La Commune fut aussi une démonstration d’internationalisme illustré par les généraux polonais WROBOLESKI et DOMBROWSKI à la tête Garde Nationale (ils avaient combattus contre l’Allemagne et commandé le contingent polonais des forces garibaldiennes en France). Ainsi que par l’ouvrier bijoutier marxiste hongrois Léo FRANKEL et bien d’autres. Les lois qui empêchaient l’élection de ressortissants étrangers furent d’ailleurs abolies.

Aujourd’hui, les communistes ont tout intérêt à étudier l’expérience de la Commune et les analyses théoriques que MARX, ENGELS et LÉNINE en ont fait, pour définir les tâches du prolétariat et la voie de la Révolution socialiste en France.