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À PROPOS DU SYNDICALISME EN FRANCE (1ère partie)

mardi 5 avril 2016

À la veille du 51ème congrès de la CGT, ce texte rappelle l’opinion de notre parti sur le syndicalisme dont les travailleurs français ont besoin.
Le syndicalisme de lutte de classe est menacé en France. A l’heure où les centrales syndicales tiennent ou vont tenir leur congrès respectif, nous tenons à revenir sur cette question essentielle, donner notre opinion afin d’éclaircir les enjeux qu’elle comporte.

Le patronat et les gouvernements successifs, qu’ils soient de droite ou qu’ils se disent « de gauche », s’attaquent de plus en plus violemment aux salaires, aux retraites, aux emplois…

Les difficultés des salariés s’aggravent pendant que ceux qui les exploitent amassent des fortunes scandaleuses qui se chiffrent en milliards d’euros. À quoi nous réduiraient-ils si nous les laissions faire ?
Nous avons absolument besoin d’un syndicalisme combatif qui défende les revendications sans faiblesse, et agisse pour les faire aboutir.
Le syndicalisme français est apparu et s’est développé avec le mouvement de la société capitaliste, aboutissant à la création en 1895 de la CGT qui inscrivit en tête de ses statuts la suppression du patronat.

Quelques années plus tôt, Karl Marx avait montré que la société moderne se ramènerait de plus en plus à deux classes fondamentales irréductiblement opposées, d’un côté l’immense foule des travailleurs, de l’autre un petit groupe de magnats capitalistes.
À quelle finalité doit répondre le syndicalisme, être un outil d’émancipation des salariés et du peuple ou un accompagnateur qui se dit « social » de la politique du capital ?

Marx et les marxistes en ont déduit la nécessité absolue de combattre le capitalisme jusqu’à le faire disparaître. Le même Marx écrivait à la même époque : « si la classe ouvrière lâchait prise dans son conflit quotidien avec le capital, elle se priverait certainement elle-même de la possibilité d’entreprendre tel ou tel mouvement de plus grande envergure ».
Un choix politique s’impose : syndicalisme révolutionnaire ou de collaboration de classe ?

La CGT sera profondément marquée par le marxisme. Elle deviendra ce que l’on appellera un syndicat révolutionnaire de lutte de classe.
Être une organisation de classe c’est défendre sans compromission les intérêts des travailleurs, c’est avoir conscience que la finalité du mouvement syndical ne peut être que la libération de la classe ouvrière de l’exploitation capitaliste. L’appropriation collective des grands moyens de production et d’échange est indispensable pour mettre fin à cette exploitation.

Plus tard, encouragés et initiés par le patronat, d’autres syndicats seront créés en France. Ils développeront un syndicalisme qui s’accommodera du système capitaliste. Ce syndicalisme participera ouvertement ou de manière dissimulée au développement du capitalisme et à la gestion de ses intérêts. C’est ce que l’on appelle le réformisme syndical de collaboration de classe.
L’existence et le développement du syndicalisme de classe ont commencé dès la naissance du syndicalisme. Le patronat a aussitôt compris que pour obtenir la « paix sociale » il lui fallait abattre le syndicat de classe ou ce qui revient au même, faire qu’il devienne un syndicat réformiste.

Conserver en France un syndicalisme de classe est un combat de toujours. Aujourd’hui il doit affronter et faire face à de nombreuses opérations qui visent à le liquider.

Participent à ces opérations les partis de droite et d’extrême droite, la gauche et ses alliés, d’autres organisations politiques, les responsables des organisations syndicales françaises réformistes, les dirigeants de la confédération européenne des syndicats (CES)…

D’autres organismes créés par le capital international comme la banque mondiale, le fond monétaire international, l’organisation mondiale du commerce y participent également.

Quand les salariés sont unis.

En 1936, des millions de travailleurs occupent les usines. Les salaires les plus bas ont été multipliés par quatre, la semaine de 40 heures a été arrachée aux patrons sans diminution de salaire et deux semaines de congés payés ont été obtenues, les droits syndicaux améliorés, les conventions collectives de métiers sont négociées… En 1945 à la libération, les salariés ont obtenu une forte augmentation des salaires, la sécurité sociale, la retraite, le statut du fonctionnaire, les nationalisations. Plus près de nous, en 68, pendant un mouvement social général qui a contraint les patrons à négocier, le SMIC est augmenté de 35%, les salaires de 7 à 28%.

L’existence à l’époque d’un syndicalisme de classe puissant a permis aux salariés de remporter ces grandes victoires, et à imposer l’unité syndicale à ceux qui la refusaient.

… Et aujourd’hui.

Plus le capitalisme se développe et plus l’exploitation des peuples grandit.
Les chiffres donnent le vertige les trois multinationales les plus riches du monde disposent d’une fortune supérieure à la production annuelle des 48 pays les plus pauvres. Il suffirait d’une dépense annuelle de 80 milliards d’euros pendant 10 ans pour garantir à tous les humains une alimentation nécessaire, des infrastructures de santé indispensables et une instruction élémentaire. Cette somme, c’est un petit quart du budget militaire des USA, c’est la moitié de la fortune des quatre personnes les plus riches du monde.

En France, l’offensive sans précédent du capital et du gouvernement vise à soumettre les salariés et toute la société à leurs exigences. Ils renforcent l’exploitation capitaliste pour baisser encore plus le « coût du travail ». Ils criminalisent l’action syndicale.

C’est l’objectif de la loi El Khomri contre laquelle se développe la lutte des salariés et de la jeunesse.

L’argent ne manque pas pour satisfaire les besoins mais il faut le prendre où il est, dans les coffres des sociétés capitalistes et du gouvernement qui les sert.

La « mondialisation » n’est autre que l’organisation économique et politique de la société par le capitalisme pour la course au profit à l’échelle mondiale. La France et le monde d’aujourd’hui confirment, un siècle et demi plus tard, la justesse des observations de Marx.
 
Le rôle d’un syndicat.

Défendre les intérêts matériels et moraux des salariés c’est lutter contre les discriminations à l’égard des femmes que le capitalisme perpétue. C’est défendre les salaires et les retraites, le droit à l’emploi, les conditions de vie dans et hors travail, la protection de la santé… C’est organiser la lutte des salariés contre les attaques du patronat, des gouvernements et des partis à son service.

Un syndicalisme qui défend les salariés doit s’opposer de toutes ses forces aux attaques du capital, il doit appeler à résister sans compromis.
Ce n’est malheureusement pas le cas puisque les centrales syndicales acceptent le « dialogue social » pour disent-elles étudier les « dossiers » mis sur la table par le MEDEF et le gouvernement. Mais nous savons que ces dossiers contiennent toujours des reculs sociaux pour satisfaire les exigences du capital… A chaque séance de « dialogue social » c’est davantage de régression que les travailleurs subissent.

Il faut développer l’activité syndicale revendicative permanente pour résister, faire reculer le patronat, défendre nos droits et en conquérir de nouveaux.
 
Le syndicalisme ne doit en aucun cas cautionner ces attaques par sa présence aux côtés du patronat et du gouvernement. Participer à cela c’est aider ceux qui nous exploitent à nous exploiter davantage.
Nous ne sommes pas contre toute négociation, à quoi servirait un syndicat s’il ne négociait pas ? Mais la négociation doit s’engager à partir des revendications des travailleurs et de leurs intérêts, sur la base d’un rapport des forces établi par l’action. Les conquêtes du Front populaire, de la libération, de 1968 ont été obtenues après négociations, de dures négociations mais qui étaient soutenues par de très grands mouvements sociaux.

Par contre aujourd’hui « négocier » avec l’adversaire et derrière le dos des travailleurs pour limiter les salaires, élever l’âge de la retraite, pour augmenter le nombre d’années de travail et le taux des cotisations, diminuer le montant des pensions, cela, c’est de la collaboration de classe.

Lutte de classe ou collaboration de classe, c’est toujours la même opposition qui se manifeste.

Aujourd’hui en France, le syndicalisme de classe est en réelle difficulté. Le risque est grand de voir ce syndicalisme devenir un syndicalisme institutionnel d’accompagnement, un simple syndicalisme de services, comme cela existe déjà en Europe, hélas.
L’objectif du patronat, celui des forces politiques de droite et réformistes, c’est d’organiser l’ensemble du syndicalisme français autour d’un pôle syndical social- démocrate. Depuis plusieurs années nous constatons une dérive de plus en plus marquée du syndicalisme français dans cette voie. Certains par exemple voudraient adapter les revendications des salariés aux « difficultés » que connaîtrait le patronat. Cette démarche conduit à l’entente avec les employeurs pour atteindre les objectifs patronaux comme la « modération salariale », la baisse du « coût du travail », la casse du code du travail, la précarisation du travail et de l’emploi etc.…

L’existence d’un véritable syndicalisme de classe puissant, soutenu fermement par la masse des salariés est un objectif majeur de notre époque.

Collaborer avec le patronat est-ce moderne ?…

Sous couvert de modernité, le langage syndical se transforme. Aujourd’hui des termes pourtant clairs sont pratiquement absents du langage syndical. Par exemple, capitalisme, classe sociale, classe ouvrière, exploitation, propriété des moyens de production, nationalisation, domination, inégalités, lutte de classe, collaboration de classe, impérialisme… Et bien d’autres. A contrario le syndicalisme « moderne » reprend facilement les termes importés des États-Unis ou d’Europe tels que : libéralisme, nouvelle économie, partenaires sociaux, dialogue social, mondialisation, citoyenneté, fonds de pensions etc.
Participer à la gestion de l’épargne salariale avec les patrons, créer un comité intersyndical qui apporte sa caution à de grands groupes capitalistes comme AXA, le Crédit Lyonnais, la BNP… Est-ce cela être moderne ?

En accompagnant les propositions et actions des gouvernements de la « gauche » comme de la droite, les confédérations syndicales acceptent finalement cette politique. Ces accords servent de modèle et surtout d’alibi sur le prétendu « modernisme » du syndicalisme français. Le résultat de cette politique désastreuse, aboutit à une chute importante du pouvoir d’achat des salariés, au recul de l’emploi et des acquis. Le patronat est le seul gagnant.

Chaque fois qu’ils ont agi ensemble contre le patronat et les gouvernements, les salariés ont obtenu de grands succès.

Pour faire échec à ce qui se met en place actuellement contre les salariés, il faut agir ensemble sinon le patronat et le gouvernement parviendront à leurs fins. L’union se construit en priorité dans l’entreprise sur la base des besoins exprimés par les travailleurs. Si les confédérations syndicales impulsaient et organisaient l’action nationale et interprofessionnelle dirigée résolument, sans concession d’aucune sorte, contre le patronat et le gouvernement, cela aurait un très grand retentissement dans tout le pays, l’action des salariés serait très puissante et des résultats importants seraient obtenus.
 

(Nous publierons la suite de cet article la semaine prochaine)