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La lutte contre l’opportunisme en France

mardi 1er mai 2007

SUR CERTAINES PARTICULARITES DE LA LUTTE CONTRE L’OPPORTUNISME EN FRANCE. ( JL.SALLÉ. secrétaire général de l’Union des Révolutionnaires-Communistes de France. (URCF-Construction du Parti)

1) Le mouvement ouvrier français au stade pré-impérialiste du capitalisme

« La France est le pays classique de la lutte des classes » nous enseignent Marx et Engels. Au 19èmesiècle (1830 et 1848), le prolétariat monta à l’assaut des barricades, prit la tête des combats de rue.

La classe ouvrière par ses grèves, comme celle héroïque des Canuts (fileuses de Lyon) obligea la bourgeoisie à reconnaître certains droits démocratiques. La Commune de Paris (1871) fut la première tentative de révolution socialiste et de dictature du prolétariat. Tous ces faits attestent du caractère fondé des appréciations des fondateurs du matérialisme historique et dialectique.

Dans le même temps, les marxistes-léninistes ne peuvent ignorer certaines lacunes propres au mouvement ouvrier français. Le socialisme français est la troisième source constitutive du marxisme, en raison des théoriciens utopistes mais surtout en raison de la riche spontanéité de son prolétariat. Cependant, la classe ouvrière a eu tendance, tout d’abord en raison de sa faiblesse numérique -de ses illusions démocratiques découlant du caractère radical de la révolution de 1789- à subordonner son action à la bourgeoisie républicaine contre l’aile réactionnaire et monarchiste de la classe capitaliste.

La Commune de Paris reste la page la plus marquante de l’histoire du mouvement ouvrier. Malheureusement, les dirigeants ouvriers français ont peu étudié cette période d’affrontements aigus et ont traité de cette première forme de pouvoir ouvrier surtout sous l’angle des commémorations des martyres de la Commune. On sait combien Lénine considérait l’étude exhaustive des évènements et des décisions de la Commune, du combat de classe mené par les communards comme fondamental, « en apprenant de leurs défaites, les prolétaires sont à bonne école ».

La Commune mesura que seule la classe ouvrière pouvait conduire la révolution sociale, expérience qui rompit et coexista contradictoirement avec l’idée d’un large camp des « rouges » y compris avec la « bourgeoisie éclairée » contre les blancs monarchistes. Les communards firent appel en vain à la « sagesse » ou au « patriotisme » des versaillais. La Commune en instaurant une large démocratie directe du travail, dépassait la délégation de pouvoir et la dépendance à l’égard de certains secteurs bourgeois que prônaient certains membres de la Commune. Fit, défaut cependant, une analyse matérialiste de la dualité de pouvoir entre Communards et Versaillais, de l’Etat comme organe de domination de classe mais la pratique communarde dépassait sa théorisation en France. Les leçons de la Commune gardent toute leur actualité et à l’URCF, nous considérons son étude comme primordial pour rompre véritablement avec les défauts historiques du mouvement ouvrier français.

Autre particularité, le marxisme fut introduit plus tardivement que dans les pays voisins. Dans la Commune, le courant marxiste (Guesde, Laffargue) était faible encore à la fin du 19ème
siècle. Les courants ouvriers les plus influents restaient sous l’emprise de la petite-bourgeoisie.

L’Union des Révolutionnaires-Communistes de France( URCF) considère que pour construire un parti communiste de type léniniste, suite à la liquidation du PCF, il faut faire le bilan théorique et pratique du mouvement ouvrier révolutionnaire, mesurer ses apports et ses faiblesses souvent répétées dans l’histoire.

Des déviations légalistes, parlementaristes, chauvines ont surgi à différentes époques, dans le mouvement socialiste puis communiste. L’URCF a abouti à la conclusion que la racine politique de ces déviations multiples a sa source dans la non-assimilation ou le rejet de la théorie matérialiste de l’Etat.

Il faut selon nous remonter à la révolution démocratique bourgeoise de 1789. Cette révolution, modèle classique des révolutions démocratiques au stade initial du capitalisme, a laissé une empreinte profonde dans le prolétariat et le peuple-travailleur. Cette révolution fut dirigée par un bloc historique populaire regroupant sous la direction de la bourgeoisie, la petite-bourgeoise, la paysannerie, les artisans et les couches moyennes urbaines. Plus que dans les autres Etats capitalistes, la bourgeoisie a toujours recherché des alliances de classes avec les diverses couches de travailleurs. Ainsi, ces couches opposées sur bien des aspects à la politique du capital, en tant que victimes, s’intégraient au système capitaliste, via la « République » et les élections.

Le jacobinisme, le courant le plus radical de la révolution bourgeoise, prônait une démocratie délégataire. Le suffrage universel était conçu par ce courant comme « l’expression de la volonté générale ». Les classes populaires, par ce biais, étaient liées à l’Etat bourgeois, à charge de « l’investir ».

En effet, le Parlement était considéré comme le lieu du pouvoir. Après la défaite de la révolution communarde et la terrible répression qui suivit, la classe ouvrière affaiblie n’eut longtemps d’autre recours que de voter pour les candidats républicains bourgeois, vus comme « remparts » contre la monarchie.

Le mouvement ouvrier éprouvait des difficultés à acquérir son indépendance politique et vivait une dualité aliénante. En tant que travailleur, il s’opposait à l’Etat bourgeois, en tant que « citoyen », il s’y ralliait.

La révolution bourgeoise affrontant les diverses coalitions contre-révolutionnaires internationales favorisa l’identification de l’Etat et de la nation, y compris lorsque cet Etat bourgeois perdit toute capacité révolutionnaire démocratique.

A la fin du 19ème siècle, les premiers socialistes revendiquèrent un appui à l’Etat bourgeois par une démarche électorale. Le réformiste Brousse proposait la conquête du pouvoir par la création de services publics de l’eau, de l’électricité etc. S’inscrivant dans la continuité des théories « fédéralistes » des Girondins et de Proudhon, Brousse estimait que la conquête des municipalités progressivement signifierait l’instauration du socialisme.

Un autre socialiste Millerand, rallié au révisionnisme de Bernstein, prolongeait la pensée de Brousse et se prononçait pour « la substitution nécessaire et progressive de la propriété sociale à la propriété capitaliste, obtenue par la conquête des pouvoirs publics au moyen du suffrage universel ».

Ainsi, très tôt, dans le mouvement socialiste, se forgea une conception de l’évolution et des « transformations sociales », par l’accumulation de réformes. Corollaires de l’absence de toute analyse matérialiste scientifique de l’Etat, comme dictature de la classe dominante, le légalisme et le crétinisme parlementaire eurent droit de cité dans le mouvement social.

Millerand fut même le premier socialiste à entrer dans un gouvernement bourgeois. Ces graves déviations et trahisons des intérêts de la classe ouvrière furent condamnées par la Seconde Internationale comme déviation « ministérialiste ». Millerand prônait « une voie américaine de développement », conçue sur une accumulation rapide qui ne se produisit que beaucoup plus tard. Le capitalisme en France vit le rythme de centralisation et concentration des entreprises s’opérer plus lentement que dans les pays voisins comme l’Angleterre ou l’Allemagne.
En 1900, 85 % du prolétariat travaillait dans des entreprises de moins de 5 salariés !

Millerand prônait l’intégration des syndicats à l’Etat, mais sa politique fut mise en échec. Confronté à des grèves dures, l’Etat bourgeois choisit la voie de la répression brutale, ce qui détruisait les illusions sur les limites d’une intégration à l’Etat capitaliste.

L’aile gauche du mouvement socialiste (Guesde, Vaillant, Lafargue) se réclamait d’une « révolution contre l’Etat bourgeois ».
Les anarchistes assez puissants encore, prônaient la « destruction de l’Etat » sans y substituer un Etat du prolétariat et de ses alliés. Guesde et ses partisans, pour se différencier des théories anarchistes, allaient vite défendre le concept ambigu de « conquête du pouvoir d’Etat ».

Nous disons « ambigu », car cette définition, reprise par Kautsky devenu révisionniste après la trahison de 1914, n’évoque nullement la nécessité évoquée par Marx et mise en pratique par la Commune, de « briser l’Etat bourgeois ».
Les tendances existaient dans le mouvement socialiste à se fondre dans la nation et l’Etat, plutôt que de prôner l’indépendance de la classe ouvrière vis à vis de cet organe de domination de classe. Nous avons là, la future base politique du ralliement à cet Etat, sous forme « d’Union sacrée » de la part de l’écrasante majorité du parti socialiste.

Une tendance opposée agissait dans le mouvement ouvrier. Marquée par une déviation de « gauche ». Anarchistes et tenants de la « démocratie directe » sur le modèle des « sans-culottes » rejetaient toute alliance de classes et voyaient « l’émancipation sociale » sur le modèle emprunté à Proudhon d’une « association libre des producteurs ».

Face à ces divers courants opportunistes, Guesde, faute d’une pleine assimilation de la théorie marxiste de l’Etat, va être dans l’incapacité de lier les batailles sociales revendicatives à la bataille générale et stratégique contre le capitalisme.

Dans son mode de pensée, les réformes sont conçues comme moyen d’agitation sociale, doublé de la crainte que ses réformes se fassent et renforcent les illusions des ouvriers sur le capitalisme. Lénine est autrement dialectique quand il écrit : « Les marxistes, à la différence des anarchistes, reconnaissent la lutte pour les réformes, c’est-à-dire pour telles améliorations de la situation des travailleurs qui laissent comme par le passé, le pouvoir aux mains de la classe dominante. Mais en même temps, les marxistes mènent la lutte la plus énergique contre les réformistes, qui limitent directement ou indirectement aux réformes, les aspirations et l’activité de la classe ouvrière. Le réformisme est une duperie bourgeoise à l’intention des salariés. » (Lénine. « Œuvres Complètes » tome 19. p. 399. Edition française).

Dans le même ordre d’idées, Guesde montra de l’indifférence à l’égard du combat pour la défense des libertés démocratiques. Les faiblesses théoriques favorisèrent le passage de certains éléments guesdistes au « boulangisme », courant réactionnaire portant le nom du général Boulanger et partisan de la démagogie sociale et d’un pouvoir fort !
A la fin du 19ème siècle, le mouvement syndical se développa rapidement. La CGT fondée en 1895 dénonça le « rôle parasitaire des élus », porta une dénonciation morale de la corruption. Son antiparlementarisme débouchait sur une méfiance et même une hostilité à l’égard des partis politiques, y compris socialiste.
Le syndicat CGT se dotait d’une « mission politique », en se voulant embryon de la « société socialiste naissant au sein du syndicalisme ».
Là aussi, les syndicalistes, s’ils prônaient « l’extériorité » par rapport à l’Etat bourgeois, accentuaient la coupure voulue par ce même Etat entre syndicat et parti révolutionnaire.

Le mouvement socialiste, divisé jusqu’en 1905 en deux partis concurrents : parti socialiste français (Jaurès) à tendance réformiste et parti socialiste de France (Guesde, Vaillant) à tendance marxiste va s’unifier. Cependant, ce pas en avant est marqué par la conciliation avec l’opportunisme (sur le modèle de la Seconde Internationale) et fut conçu comme « juxtaposition d’organisations », sans lutte idéologique interne.

Le Parti Socialiste Unifié était dirigé par des intellectuels qui gardèrent leur statut social de membres des couches moyennes.
La faiblesse théorique des socialistes, analysée par Lénine, lors de son exil en France, a son origine dans l’autonomie de ces intellectuels vis-à-vis du mouvement ouvrier. Le mouvement syndical contrebalançait cette tendance par un « ouvriérisme » excessif.

Lors de l’Affaire Dreyfus, du nom de ce capitaine juif condamné injustement pour « espionnage au profit de l’Allemagne », la bourgeoisie voulut diffuser l’antisémitisme comme diversion des luttes de classes. De plus, cela permit au capital de s’abriter derrière le drapeau du nationalisme revanchard à l’égard du second Reich Allemand pour lier la classe ouvrière à son système d’exploitation.
Les socialistes dévièrent doublement. Jaurès se rangea derrière le combat « pour les droits de l’homme » et l’humanisme avec les couches moyennes républicaines. Guesde refusa par économisme et étroitesse sectaire de défendre Dreyfus, en refusant de lier la dénonciation de cette accusation scandaleuse à celle générale du système capitaliste tout entier.

On mesure ici la difficulté à mettre en oeuvre des alliances de classes. D’un côté, il y avait dilution et subordination des positions socialistes dans le mouvement démocratique, de l’autre, l’incompréhension du rôle dirigeant de la classe ouvrière dans le large mouvement démocratique. Ces déviations surgiront régulièrement tout au long du XXème siècle !
Les courants droitiers et marxistes partageaient les mêmes illusions électoralistes. Quelques décennies auparavant, Guesde avait fait ajouter au programme du parti Ouvrier français, rédigé par Marx, une phrase sur « l’émancipation permise par le suffrage universel ».
Conséquence de ce fait, les catégories non-concernées par les élections : femmes, jeunes, peuples coloniaux étaient quasi ignorées de la stratégie du parti socialiste.

2) Mouvement révolutionnaire et stade impérialiste du capitalisme en France.

A la fin du 19ème siècle et au début du 20ème la loi de concentration industrielle et bancaire s’exerça, développant l’intervention croissante de l’Etat dans l’économie du pays. Cela renforça les illusions sur les capacités de l’Etat bourgeois à réguler les activités capitalistiques.
Jaurès accentua la révision de la théorie marxiste, voici ce qu’il écrivait sur l’Etat : « Quand les socialistes parlent de l’Etat bourgeois comme si la classe ouvrière n’avait dans l’Etat aucune part, ils emploient une formule trop sommaire ». (« Jean Jaurès » extrait de la biographie de H. Goldberg. P.170).

Jaurès est donc le précurseur en France, d’une thèse qui va connaître un grand succès, véritable fil continu tout au long de l’histoire du Parti socialiste puis du Parti Communiste français. L’Etat (dans cette optique, on ne le qualifie plus de bourgeois) serait « l’expression d’un rapport de forces entre les classes » !

Jaurès poursuit : « Il n’y a jamais eu d’Etat qui ait été aux mains d’une classe dominante, un instrument à tout faire et le serviteur de tous les caprices (…) en fait l’Etat n’exprime pas une classe, il exprime le rapport des classes, je veux dire de leurs forces ».

Cette révision permettra de justifier toutes les déviations opportunistes, elle a favorisé sans nul doute l’incompréhension de la théorie marxiste de l’Etat en France, puisque Jaurès avec tout son prestige en était le « père ».

Révision qui eut d’autant plus de succès, que la lutte de classes frontale du prolétariat contre le Capital subit les deux échecs des grèves générales de 1906 et 1909.

Défaite qui était la conséquence de la méfiance vis à vis des partis prôné par la CGT. Le syndicalisme révolutionnaire que la CGT incarnait, ignorait la nécessité des alliances de classes, et en fait isolait la classe ouvrière des autres couches de travailleurs et du parti socialiste, occupé, il est vrai, aux seules luttes électorales.

Les socialistes de gauche derrière Jules Guesde furent de plus en plus enclins à mettre en avant « la République » occultant son caractère de classe. Plus grave, les socialistes ne sont pas loin de voir dans les grèves générales, des actes anarchistes. La théorie de la voie parlementaire au socialisme pointait son nez quand Guesde caractérisait ainsi la situation : « Parce qu’avec l’Internationale, nous crions casse-cou aux travailleurs de France qu’on voudrait détourner de l’action politique sous prétexte de grève générale (…) loin de tourner le dos à la révolution, nous maintenons et poussons dans la voie de la révolution, l’armée du travail, lorsqu’au lieu de s’engager dans le cul de sac d’une grève systématique, nous lui montrons le pouvoir politique, l’Etat à conquérir. Loin de s’exclure, l’action électorale et l’action révolutionnaire se complètent et se sont toujours complétées dans notre pays où pour tous les partis, l’insurrection victorieuse n’a été que la suite du couronnement du scrutin (…) les sorties de légalité ont toujours été, nécessairement précédées de l’usage de l’emploi de cette légalité (…), le socialisme d’aujourd’hui est légaliste et électoraliste. Révolutionnaire est le bulletin de vote, si légal soit-il lorsque sur le terrain des candidatures de classe, il organise la France du travail contre la France du capital. »

Bien que Guesde fût l’introducteur du marxisme en France, sa rupture avec les enseignements de Marx et Engels à la veille du premier conflit mondial, devint manifeste. Les particularités de l’opportunisme en France sont résumées dans ce passage : phrases de gauche sur l’insurrection mais pratique de droite avec la surévaluation de l’électoralisme et de la légalité qui conditionnerait cette même insurrection.

Ce courant « centriste » se manifesta dans toute la Seconde Internationale avec des militants comme Kautsky, Trotski. Liés organiquement dans une même formation avec les révisionnistes, les centristes au nom de « l’unité du parti » conciliaient avec l’opportunisme quand ils n’y cédaient pas eux-mêmes. Chez Guesde le passage au socialisme viendra de la conquête d’une majorité parlementaire qui ensuite appellera à l’insurrection populaire !!! Trotski fit la même tentative en octobre 17, quand il appela à faire coïncider l’insurrection et la réunion des soviets.

La bourgeoise grâce aux surprofits obtenus par la surexploitation des peuples coloniaux pouvait corrompre les chefs socialistes à coups de sinécures, d’avantages parlementaires de toute nature. Parallèlement, le capital financier menait une politique d’intégration des syndicalistes réformistes à l’appareil d’Etat tels le futur scissionniste réformiste Jouhaud. Dès lors, non seulement le parti socialiste n’était pas doté d’une tactique et d’une stratégie révolutionnaires mais en raison de l’intégration des intellectuels et dirigeants du parti (parlementaires, avocats, journalistes) à l’appareil d’Etat bourgeois, son passage à la trahison ouverte des intérêts de classe, était inéluctable.

Cela explique la position prise par le parti socialiste de rallier l’ « union sacrée » en 1914 avec « sa » bourgeoisie, de se détourner de l’internationalisme prolétarien.

Jaurès, en raison de son pacifisme et de son humanisme, restait le principal rempart au déclenchement de la guerre, en France, mais là aussi sa position découlait aussi de l’appel à « l’Etat-arbitre ». Jaurès assassiné par un tueur nationaliste, le dernier puissant obstacle au bellicisme disparaissait. La direction CGT ne fut pas de reste et à l’exception de rares syndicalistes révolutionnaires (Monatte, Rosmer) se rallia à la bourgeoisie y compris le très « antimilitariste » Gustave Hervé qui devint le chantre du nationalisme bourgeois ! Plus triste et significatif encore, Jules Guesde devint ministre du cabinet de guerre. Le parti socialiste devint ainsi le relais direct des intérêts de l’impérialisme français dans le mouvement ouvrier.

En 1918, la France étant un pays « vainqueur », un climat d’unité nationale » règna, favorisant le chauvinisme et le social-chauvinisme dans une partie importante de la classe ouvrière d’autant que la social-démocratie et la puissante CGT défendirent tout au long de la guerre, l’union sacrée » avec la bourgeoisie.

Le caractère colonial du capitalisme français favorisa aussi la corruption d’une aristocratie ouvrière dont les intérêts sociaux la rapprochent du capital et qui diffuse l’idéologie de collaboration de classes dans le prolétariat. La répression armée du courant anti-guerre le plus radical, les « mutins » qui refusèrent de monter au front, sous l’influence de la Révolution socialiste d’octobre, et finirent fusillés en masse, pesa aussi dans le non déploiement d’une politique consistant à transformer la guerre impérialiste en guerre civile contre le capital.

Sans l’apport de l’Internationale Communiste, le Parti Communiste aurait vu le jour beaucoup plus tardivement et aurait été dominé durablement par des courants sociaux-démocrates de type centriste.

3) Naissance du parti Communiste français, bolchevisation, parti de masse.

A l’origine du parti communiste en France se trouvèrent plusieurs courants politiques et idéologiques. Les ouvriers (souvent anarcho-syndicalistes) qui durant la guerre avaient poursuivi la lutte revendicative alors que la CGT soutenait « l’effort de guerre » ; les socialistes de gauche qui rêvaient d’un retour au parti socialiste d’origine, au guesdisme d’avant 1914 tel Marcel Cachin ; les militants anti-guerre qui avaient vécu au front dans leur chair les horreurs de la boucherie impérialiste et étaient convaincus de la nécessité de combattre le capitalisme jusqu’à sa destruction (Henri Barbusse, Jacques Duclos) ; les premiers communistes et internationalistes qui apportèrent un soutien direct à la révolution d’Octobre : Jeanne Labourbe institutrice à Odessa qui créa le « groupe Communiste français » auprès du Parti Bolchevik et qui mourut prématurément et tragiquement, les « mutins de la mer noire », marins de l’Armée française détachés pour aider l’armée blanche dans la guerre civile révolutionnaire en Russie et qui fraternisèrent avec l’Armée Rouge (André Marty).

Tous ces courants (sauf le groupe de Jeanne Labourbe) ignoraient tout ou presque du léninisme et de la lutte contre l’opportunisme de la Seconde Internationale.

Le Congrès de Tours (décembre 1920) s’il fut l’acte de naissance officiel de naissance du PCF-SFIC (section française de l’Internationale Communiste), vit émerger en réalité une formation dominée par le social-démocratisme.

Les premières années du PCF furent celle de la transition d’un parti de type social-démocrate à une formation véritablement léniniste. Les survivances social-réformistes touchaient des questions cardinales comme celles du parlementarisme vu comme principal moyen de lutte ; la question de la paysannerie vue comme un bloc homogène en sous-estimant la différenciation provoquée par le développement capitaliste à la campagne ; la question coloniale avec cette thèse que le mouvement de libération nationale (non-prolétarien) ne pouvait être un allié pour la classe ouvrière de la métropole.

Lénine en personne suivait la « question française », conscient des difficultés à faire émerger de véritables Partis Communistes dans des pays où les traditions réformistes étaient profondément enracinées : « La transformation d’un parti européen de type ancien, parlementaire, réformiste dans les faits et à peine teinté de couleur révolutionnaire, en parti de type nouveau, réellement révolutionnaire et réellement communiste est une chose extrêmement ardue. L’exemple de la France est sans doute celui qui montre le plus cette difficulté ». (VI Lénine. « Note d’un publiciste. Œuvres complètes tome 33. p.210-211. Ed. Française).

Pour aider le jeune PCF à corriger ses erreurs, Lénine et l’Internationale communiste s’appuyèrent sur la riche combativité du mouvement ouvrier français, sur ses traditions révolutionnaires incarnées par la Commune de Paris.

Lénine contribua à l’entrée dans le PCF de syndicalistes éprouvés, certes encore anarcho-syndicalistes mais qui par leur combativité avaient l’étoffe de militants et dirigeants communistes, à condition que le parti leur assure une formation marxiste solide (B. Frachon, P. Sémard, G. Monmousseau).

A partir de 1925, en prenant appui sur les cadres ouvriers et syndicaux, qui étaient moins porteurs des traditions social-réformistes, l’Internationale oeuvra à la bolchevisation du PCF et des autres Partis des pays impérialistes.

Les acquis de ce processus de bolchevisation sont immenses et permirent qu’agisse en France un véritable parti communiste.

a) grâce à l’orientation prioritaire du travail politique révolutionnaire en direction des usines, le Parti forma des cellules (organisations de base) d’usine dans les grands monopoles, donnant vie au mot d’ordre léniniste : « Chaque entreprise doit être une forteresse pour les bolcheviks ». Jusqu’ici le PCF était organisé comme la social-démocratie autour de cellules de quartiers, conçues pour la lutte électorale mais inefficace dans les luttes de classes contre le Capital. Les cellules d’usine permirent de mettre fin à la prédominance des parlementaires et journalistes sur le comité central. La priorité fut donnée au recrutement et à l’élection de militants ouvriers dans toutes les instances dirigeantes du parti.

b) La bolchevisation impliqua un travail idéologique de critique du passé et présent du mouvement ouvrier à partir des positions matérialistes. A cette époque s’ouvrit la critique de l’héritage idéologique de Jaurès, de la vision idéaliste et acritique de la révolution démocratique-bourgeoise française, l’héritage positif et négatif des traditions ouvrières. Malheureusement cette tâche importante ne fut pas conduite avec la rigueur et la continuité nécessaires par la direction du PCF, les tendances opportunistes non corrigées resurgiront donc dans d’autres périodes.

La bolchevisation permit de cerner les racines politiques de l’opportunisme en France. La tactique « classe contre classe » mesura combien la subordination du courant révolutionnaire à la social-démocratie avait sa source dans les désistements électoraux sans conditions au second tour des législatives, sous prétexte d’union des « rouges contre les blancs » ou d’union des gauches contre la réaction. En effet, le parti socialiste était, via le désistement automatique, présenté de fait comme un « moindre mal », pas comme un parti défendant la politique de l’impérialisme français. C’était là l’héritage politique du 19ème siècle quand le prolétariat était subordonné à la démocratie petite-bourgeoise et bourgeoise via la République. Ainsi fut lancé le refus du désistement automatique pour les candidats socialistes sans engagement de leur part dans le front unique prolétarien.

La bolchevisation favorisa la cristallisation d’un groupe dirigeant oeuvrant dans les luttes de classes et anti-impérialistes dans la lutte contre l’intervention de l’armée française dans la Ruhr, contre la guerre coloniale du Rif, dans les luttes quotidiennes en France. Noyau dirigeant qui sera à la tête du PCF durant 30 ans : Maurice Thorez, Jacques Duclos, Benoît Frachon, François Billoux.

Les conditions objectives de luttes, la montée du danger fasciste allait mettre fin au processus de bolchevisation surtout dans ses aspects de lutte idéologique, ce qui allait peser tout au long de son histoire et favoriser par la suite la victoire de l’opportunisme.
Le PCF eut de grands mérites nationaux et internationaux dans la mise en œuvre de la tactique nouvelle de l’internationale : le Front Unique Ouvrier base du Front Populaire antifasciste. Staline recevant M. Thorez lui dira « vous avez ouvert de nouvelles voies pour l’avenir ».

Le mérite du PCF fut d’avoir, par son combat, réalisé l’unité d’action à la base tout d’abord puis au sommet avec le parti socialiste et le parti radical (formation politique des couches moyennes), d’avoir impulsé un bloc populaire aux élections législatives de 1936 et d’avoir favorisé la victoire des forces démocratiques.

Ainsi, le PCF apporta une contribution de premier plan dans la défaite des forces fascistes, ses militants ouvriers jouèrent un rôle de premier plan dans la réunification syndicale qui accrut considérablement la force de la CGT, facteur qui favorisa le déclenchement de grèves dès la victoire du Front Populaire, grèves qui permirent d’importantes conquêtes sociales : congés payés, semaine de 40 heures de travail (qui ne sera appliquée en fait qu’en 1968 !), augmentation des salaires. Le mouvement gréviste s’en tenait aux revendications économiques, nullement à des mots d’ordre révolutionnaires rejetant la domination capitaliste.

Cela mérite d’être rappelé, car existe une historiographie d’inspiration trotskiste sur la « révolution manquée », alors que la tâche centrale de l’heure : l’épuration des fascistes des rangs de l’armée et de la police, l’armement des masses, la formation et le développement de comités de base élus du front Populaire ne furent pas conduite de manière ferme et résolue.

Le PCF commit des erreurs dont la source se trouve dans l’héritage non critiqué du mouvement ouvrier français. Nous y reviendrons, notamment l’incapacité théorique et pratique à lier la tactique antifasciste à la lutte générale pour la révolution prolétarienne. La responsabilité première de l’échec du front populaire en France incombe aux dirigeants socialistes et radicaux qui ne voyaient dans la lutte antifasciste qu’un moyen de gagner les élections et d’accéder au pouvoir. Le dirigeant social-démocrate Blum dira que la SFIO (le parti socialiste) avait « géré loyalement le capitalisme ».

La dégénérescence du gouvernement de Front populaire, son tournant continu à droite allaient conduire ce gouvernement à soutenir les « accords de Munich » livrant la Tchécoslovaquie souveraine aux troupes du fascisme allemand.

Le PCF, à contre courant de l’opinion publique, combattit la « politique d’apaisement » vis-à-vis du fascisme menée par le pouvoir, soutint le pacte de non-agression Soviéto-Allemand, ce qui servit de prétexte au décret du socialiste Sérol pour interdire toute activité légale au PCF et commencer une véritable chasse aux sorcières contre les militants communistes.

Dès son passage au travail clandestin et ensuite dans la lutte contre l’occupant fasciste, le PCF sut forger un appareil illégal efficace qui déclencha, en premier dès 1940, la lutte armée contre le fascisme allemand et ses complices fascistes français (Pétain et Laval). Le parti clandestin fut dirigé de l’intérieur par Jacques Duclos et Benoît Frachon, leurs mérites sont très grands en liaison avec les dirigeants français siégeant à l’Internationale en URSS (Maurice Thorez, André Marty).
Le PCF joua le rôle moteur dans la formation d’unités de partisans (FTP- francs tireurs et partisans), ce sont les FTP qui livrèrent l’essentiel des combats armés contre les troupes fascistes. Conformément à la tactique de l’Internationale Communiste, le PCF oeuvra à la formation d’un front national Uni de tous les patriotes autour de la classe ouvrière en regroupant : paysannerie laborieuse, intellectuels antifascistes, couches moyennes, certains secteurs de la bourgeoisie y compris monopolistes qui soutenaient De Gaulle.

L’action véritablement héroïque des militants du PCF lui valut le surnom glorieux de « Parti des 70 000 fusillés » : Jean-Pierre Timbaud qui mourut en clamant à la face de ses bourreaux nazis : « Vive le Parti Communiste allemand ! », Pierre Sémard, Georges Politzer, le jeune Guy Môquet (17 ans), Manouchian le chef des partisans de la Main d’oeuvre immigrée (MOI), Danielle Casanova, le colonel Fabien et tous les autres sont tombés en libérateurs du pays et ont versé leur sang pour la victoire internationale sur le fascisme.

Sur le plan politique, l’action du PCF dans une réalité mouvante et complexe fut juste quant à la réalisation de la tâche centrale : vaincre l’occupant. Par contre, rien n’indique qu’il y eut réflexion théorique au sein de la direction, pour que la lutte de libération nationale débouche (dans les conditions de l’époque) sur une Révolution démocratique-populaire, première étape de la Révolution socialiste.

Encore une fois, sévissait la tendance du mouvement ouvrier révolutionnaire français à absolutiser les tâches intermédiaires sans les lier aux tâches révolutionnaires stratégiques.

Tout faire pour la victoire sur le fascisme ne signifiait pas qu’à travers la réalisation de cet objectif ne pouvaient être posées les bases d’une politique visant à assurer l’hégémonie politique du prolétariat dans la lutte antifasciste. Certes le contexte était difficile puisque le capital monopoliste menait deux fers au feu, d’un côté s’appuyait sur la collaboration avec le nazisme et de l’autre recherchait l’alliance avec les gaullistes, surtout après le tournant de la guerre mondiale antifasciste que constitua la magnifique et héroïque victoire de l’Armée Rouge et du peuple soviétique dans la bataille de Stalingrad. Tracer les perspectives révolutionnaires ne signifie pas automatiquement les réaliser.

Le débarquement des troupes anglo-américaines en Normandie, le 6 juin 44, modifia le rapport de forces interne au détriment des forces de libération sociale. L’objectif de Washington et de Londres, outre l’élimination d’un rival impérialiste, était aussi d’empêcher la libération de la France par les Partisans ou par l’Armée Rouge et éviter ainsi qu’émerge en France une situation révolutionnaire. L’armée américaine jouait le rôle d’allié de classe de la bourgeoisie monopoliste française.
L’historiographie trotskiste et maoïste évoque « la trahison de la révolution par le PCF ». En réalité ils ignorent la portée de la théorie de Marx et Lénine sur « La subordination des intérêts particuliers d’un prolétariat aux intérêts généraux et internationaux du mouvement communiste et démocratique mondial ».

En France, en 1944, la situation était loin d’être révolutionnaire. Tout d’abord l’occupant fasciste n’était pas vaincu totalement, la guerre contre l’URSS décidant du sort de l’humanité. La bourgeoisie française malgré son affaiblissement gardait de solides positions et son contrôle sur l’appareil d’Etat. Les paysans et membres des couches moyennes auraient basculé vers le capital, en cas de politique aventuriste des communistes, d’autant que la crise du ravitaillement sévissait de manière aiguë. Une insurrection révolutionnaire aurait donc entraîné une guerre civile contre la bourgeoisie coalisée pour la circonstance (pétainiste et gaulliste) doublée d’un conflit avec les troupes américaines voire avec les troupes nazies défaites mais pas en déroute et qui occupaient encore de larges parties du territoire national. Et ce, alors que la machine de guerre hitlérienne continuait de semer la mort à l’est de l’Europe ! La voie révolutionnaire était donc fermée provisoirement pour ne pas mettre en péril l’URSS qui porta le poids essentiel de la guerre antifasciste mondiale. D’autant que des généraux américains comme Patton proposaient un « retournement d’alliances » et une guerre commune germano-américaine contre le « bolchevisme ».

Nous répondons aux trotskistes que le PCF n’a pas trahi. Pour qu’une révolution eût été envisageable et victorieuse, il aurait fallu bien avant 1942-43 que l’hégémonie politique de la classe ouvrière soit assurée sur l’ensemble des forces antifascistes, ensuite que la France se libère par ses seules forces avant le débarquement. Il y a parfois loin des vœux à la réalité, cela n’ôte nullement les mérites essentiels du PCF dans la résistance à l’occupant et au régime de Vichy.

Les archives soviétiques publiées récemment permettent aussi de dénoncer les mensonges de la propagande antisoviétique des trotskistes.

Les conversations entre Staline et Thorez, en 1944, sont très riches et instructives. Staline conseilla au PCF, puisque les conditions révolutionnaires n’étaient pas remplies, de manœuvrer habilement. Certains militants voulaient prolonger la situation de « double pouvoir » résultant du chaos qui régnait en France mais qui pouvait servir de prétexte à l’impérialisme américain pour rechercher un compromis avec l’impérialisme allemand. Staline conseilla l’intégration des troupes de Partisans dans l’armée française renaissante, tout en gardant l’essentiel des armes acquises par la résistance antifasciste. Staline indiquait que les armes pouvaient être utiles dans un avenir pas très lointain où le prolétariat et ses alliés pourraient construire la contre-offensive contre la réaction.

A la Libération, un équilibre instable régnait en France. La bourgeoisie dirigeait, gardait les leviers de l’Etat mais ne pouvait mener à bien sa politique intégralement en raison du poids de la classe ouvrière, de la Résistance et du Parti Communiste français. Cet équilibre instable a son reflet dans la formation d’un gouvernement de coalition où siégèrent pour la première fois des ministres communistes.

Deux lignes générales s’affrontaient au sein du gouvernement né du programme du Conseil National de la Résistance.

- La bourgeoisie voulait faire cesser l’épuration des fascistes et collaborateurs, restaurer intégralement l’ordre bourgeois ancien et son Etat, rétablir l’Empire colonial, l’armée et la police d’avant-guerre. Affaibli par ses divisions (relatives) entre pro-nazis et pro-gaullistes, le capital monopoliste misait sur la subordination à l’impérialisme américain pour maintenir son pouvoir. Les faits attestent que les monopoles sabotaient la production pour aggraver les conditions de vie et de ravitaillement, pour chasser le PCF du gouvernement. Les trusts s’appuyaient sur la social-démocratie devenue agent actif de l’impérialisme américain.

- La classe ouvrière avait constitué la principale force engagée dans la Résistance, ce qui ne signifie pas pour autant que son hégémonie de classe était réalisée. Le PCF et le peuple-travailleur devaient profiter du rapport de forces lié à cet équilibre instable pour assurer et renforcer les droits démocratiques, gagner les droits sociaux nouveaux, poursuivre l’épuration des éléments fascistes notamment dans l’appareil d’Etat, défendre et assurer l’indépendance du pays et l’amitié avec l’URSS, gage de cette indépendance vis-à-vis des nouveaux maîtres de Washington.

L’action des ministres communistes (Marcel Paul, Maurice Thorez, Ambroise Croizat…) fut remarquable et permit la conquête d’importantes réformes sociales : sécurité sociale, statut des fonctionnaires et des mineurs, nationalisation des monopoles couvrant les secteurs vitaux, droits syndicaux élargis.

Le PCF avec 29 % des suffrages était le premier parti de France même si le front anticommuniste restait puissant. Maurice Thorez, Jacques Duclos et l’actif militant avaient bâti un grand Parti Communiste de masse. Cependant, l’apport massif de nouveaux adhérents présentait aussi des dangers. Beaucoup étaient venus au parti sur une base essentiellement patriotique et démocratique et étaient davantage attachés au programme minimal du PCF. La révolution socialiste leur apparaissait comme un objectif lointain qui viendrait progressivement.
De même, alors que le PCF lors du Front Populaire et de la Résistance devenait un parti de plus en plus influent et bénéficiait d’un réel capital de sympathie dans les diverses couches populaires, les tendances négatives de l’héritage du mouvement ouvrier français resurgirent avec acuité.

Le kominform apporta une aide précieuse dans la critique nécessaire des fautes opportunistes du PCF à sa réunion fondatrice en 1947. Nous nous appuyons sur cet apport des partis frères et du PC(b)US tout en remontant aux racines idéologiques, économiques, politiques du maintien de tendances opportunistes dans le mouvement révolutionnaire.

A nouveau, se renforçait la déviation révisionniste, héritée de Jaurès, à voir dans l’Etat (même affaibli) de 1945, non l’expression de la dictature des monopoles mais l’expression du rapport de forces issu de la Résistance. L’Etat était vu comme en voie de « démocratisation », il y avait confusion entre le poids parlementaire et gouvernemental et l’appareil d’Etat

De Gaulle refusa toute épuration antifasciste de la machine d’Etat. La police française qui avait déporté les juifs étrangers, torturé des militants communistes, fut réhabilitée comme « résistante » pour son engagement tardif (un mois avant la libération de Paris). Certaines propositions du PCF soulignaient l’incompréhension et même la rupture avec la théorie marxiste-léniniste de l’Etat.

A plusieurs reprises, les dirigeants du parti comparèrent la situation française avec celle des démocraties populaires de l’Est européen.
En 1947, Dimitrov et Thorez firent des déclarations similaires sur l’utilisation de la voie parlementaire pour aller au socialisme. Dimitrov s’exprimait ainsi après l’insurrection populaire du 9 septembre 1944 en Bulgarie qui amena la victoire du front antifasciste. Les communistes pouvaient prendre appui sur le parlement pour réaliser les transformations sociales. Tactique qui découlait de l’insurrection armée contre le fascisme, de l’aide multiforme de l’Armée Rouge et de l’URSS, des solides positions conquises par les communistes et leurs alliés dans l’Etat démocratique brisant progressivement la vieille machine d’Etat capitaliste.

En France, nous l’avons vu, l’Etat restait identique dans le contenu de classe et les personnels à ce qu’il fût avant la guerre antifasciste, il n’y eut pas d’insurrection nationale à l’échelle du pays. Certes le PCF devint le premier parti au parlement, mais il ne dirigeait pas le pays, car ses adversaires coalisés avec l’appui de l’impérialisme américain étaient autrement plus forts.

Dans ces conditions, appeler à une « voie parlementaire pour aller au socialisme », revenait consciemment ou pas, à nier la théorie marxiste de l’Etat. D’autant que la présence de troupes US, s’ajoutant aux corps répressifs de l’Etat français, signifiait l’impossibilité de passer au socialisme au moyen des élections et des formes pacifiques de combat.
La propagande du PCF mit alors beaucoup l’accent sur la filiation avec la Révolution démocratique bourgeoise. Le PCF eut donc tendance à se présenter comme « continuateur de cette grande révolution ». La Révolution bourgeoise de 1789-1793 s’appuya sur l’activité révolutionnaire des masses populaires mais sa force motrice et ses objectifs de classe étaient clairement bourgeois visant à consolider le capitalisme naissant et alors progressif contre le féodalisme et la monarchie.

En se présentant sous l’angle de la continuité de la révolution bourgeoise démocratique, le PCF ne contribua pas à ce que le prolétariat acquière une claire vision de son rôle indépendant et dirigeant dans la révolution prolétarienne dirigée contre la bourgeoisie !
D’autant que dans la lutte contre le fascisme et dans la résistance, le PCF était justement allié à certains petits et moyens bourgeois, ce qui renforça chez certains membres du PCF l’idée que le socialisme pouvait être envisagé comme continuité du mode de production capitaliste avec la bourgeoisie républicaine. M. Thorez, dans sa célèbre interview au « Times », avança plusieurs thèses qui s’éloignaient du marxisme-léninisme.

« Les communistes français suivront nécessairement un autre chemin
que celui des communistes russes.
 » (Thorez. Interview au Times.1946). Ce n’est pas la formulation qui pose problème en soi, mais le non-rappel des lois universelles de la Révolution socialiste frayées par la révolution d’octobre 17. En effet, des conditions différentes engendreront des mots d’ordre, un rythme forcément différent dans le processus qui conduit à la révolution. Mais comment penser, le PCF siégeant dans un gouvernement de coalition de plusieurs classes dont la classe bourgeoise, que les travailleurs puissent passer pacifiquement au socialisme par le simple jeu parlementaire, alors que l’Etat des monopoles restait intact, que le pays était occupé par l’impérialisme américain appuyé par son principal agent le parti socialiste encore influent dans la classe ouvrière !

Autre thèse dans cette interview qui renforçait l’opportunisme, celle reprise de Jaurès sur la « démocratie, création continue » qui signifiait implicitement que le socialisme peut naître de la démocratie bourgeoise, par accumulation de mesures démocratiques, dans le cadre du capitalisme.

Il y avait là révision de la théorie léniniste de l’Etat et de la révolution, sous-estimation du caractère de classe de la démocratie bourgeoise, de plus en plus identifié à la « démocratie ».

Cette interview suscita de vives réactions, dans les fédérations du parti communiste. Malgré le grand prestige de Thorez, la majorité de l’actif dirigeant rejeta ce nouveau cadre de pensée. Cette interview eut des fortunes diverses, la politique préconisée fut mise sous le boisseau jusqu’au XXème Congrès du PCUS. Par la suite, les éléments révisionnistes prirent appui sur ce texte pour souligner que dès 1946, le PCF rompant avec le « modèle soviétique », fut pionnier dans la mise en œuvre de la « voie pacifique au socialisme ».

Cette ignorance de la théorie matérialiste de l’Etat se refléta dans tous les domaines et constitue la source idéologique des déviations critiquées par le Kominform.

Concernant les colonies, alors que l’impérialisme français déchaîna sa violence de classe dès le 8 mai 1945 contre les habitants de Sétif (Algérie) qui avaient célébré la victoire avec un drapeau algérien ; contre le peuple de Madagascar ; enfin par la guerre contre les patriotes d’Indochine (Vietnam, Laos, Cambodge), le PCF se rallia à l’ « Union française » en la comparant au modèle de l’URSS. On ne peut avancer une forme étatique sans analyser son contenu de classe. L’Union soviétique était sous la direction de la classe ouvrière et de la paysannerie, le socialisme garantissait l’amitié entre les peuples sur la base de l’égalité des droits y compris à la séparation.

Cette confusion sur l’Etat était manifeste dans de nombreux textes, voici ce qu’écrivait le Parti Communiste français : « Dans la période actuelle, la séparation de tel ou tel peuple dans un Etat multinational, sera progressive selon qu’elle renforce ou affaiblisse la lutte des forces de démocratie contre les forces de réaction (…) dans le passé (souligné par nous), les peuples coloniaux et dépendants ont été pour les trusts une source de puissance, donc d’affermissement et de domination. Peuvent-ils être aujourd’hui un appui pour la classe ouvrière et les forces de progrès dans leur lutte contre la domination des trusts ? A cette question, la théorie marxiste-léniniste répond par l’affirmative ». (PCF « Questions du moment » 1947. Cité par Alain Ruscio « La question Coloniale dans L’Humanité ». – 1904/2004-, p.215, éd. la dispute).

Cette déclaration montrait que le PCF s’éloignait de la théorie léniniste-staliniste de la question coloniale. Tout d’abord, la France n’était « multinationale » qu’en raison du colonialisme, les peuples opprimés par l’impérialisme français étaient dépourvus de tout droit citoyen. Les autochtones dans le « département français d’Algérie » n’avaient même pas le droit de vote. La référence au « passé » signifiait clairement que les vieilles méthodes coloniales auraient été en voie de disparition grâce aux conquêtes de la démocratie en France. Cette croyance sera démentie cruellement par les faits ! Enfin, les intérêts des travailleurs de la métropole se subordonnaient ceux des peuples coloniaux, appelés à être simplement un « appui » sans que la réciprocité soit formulée.
Staline avait une toute autre réponse : « Lénine a raison, lorsqu’il dit que le mouvement national des pas opprimés doit être apprécié non du point de vue de la démocratie formelle, mais du point de vue de ses résultats effectifs dans la balance générale de la lutte contre l’impérialisme, c’est-à-dire « non isolément mais à l’échelle mondiale ». (Staline. « Les questions du léninisme ». P.57. Ed.sociales.1946).

En réalité la thèse de Jaurès, continuatrice de celle de la révolution bourgeoise française sur « la mission universelle de la France dans le monde » fut adoptée par le PCF. Là aussi, on ne mesurait pas que les capacités démocratiques de la république étaient épuisées et subordonnées au pouvoir de l’oligarchie financière impérialiste. Il y avait déviation nationaliste, tout en défendant les droits démocratiques de ces peuples et en s’opposant aux répressions.

Légalisme et parlementarisme du PCF furent sévèrement condamnés par le Kominform. Jdanov au non du PC(b)US s’adressa à la délégation du PCF et affirma « Droite et gauche sont des notions relatives (…) il est arrivé que l’Emir d’Afghanistan soit plus à gauche que l’ouvrier travailliste Mac Donald ». Jdanov critiquait la notion de « gauche » qui faisait que le PCF recherchait en priorité l’alliance avec le parti socialiste (SFIO). Or ce dernier était le relais des intérêts impérialistes américains, le champion du soutien au colonialisme. Le PCF surestimait et se soumettait aux enjeux « au sommet » de type parlementaire et légaliste et sous-estimait l’initiative indépendante des masses sous la direction du Parti, dans des comités unitaires. M. Thorez fit une autocritique remarquée. « Faute d’un réseau de comités de front Populaire élus démocratiquement dans les assemblées d’usines, de villages, de quartiers, les masses populaires ne purent empêcher les capitulations des gouvernements radicaux et socialistes » (Histoire du PCF. 1964. p.378-379).

Thorez étendit l’autocritique sur le parlementarisme et le légalisme jusqu’à la politique pendant et après la guerre antifasciste. De même, le PCF ne mesura qu’avec retard l’offensive de l’impérialisme américain pour chasser les communistes du gouvernement. Au lieu d’une « crise parlementaire » analysée par la direction du PCF, l’impérialisme français avec l’appui de Washington et le relais de la SFIO opéra, en 1947, un tournant vers la réaction, restreignant ou annulant les conquêtes démocratiques de la Libération.

Toutefois, conclure que le PCF, comme le prétendent les trotskistes, avait cessé d’être communiste, c’est refuser de s’engager dans l’examen critique et révolutionnaire des tendances opportunistes existant dans le mouvement ouvrier français et qui surgiront à nouveau sans cette analyse matérialiste. Le PCF de Thorez et Duclos, par ses objectifs, par sa composition de classe, par son inscription dans les luttes de classes, par son internationalisme (malgré les défauts signalés), par son appartenance au Mouvement communiste international, demeura un parti communiste de masse, assurant son hégémonie sur le courant réformiste. La bolchevisation du PCF inachevée permit cependant à toutes sortes de thèses opportunistes de rester prégnantes dans le parti, parce que leurs sources n’étaient pas analysées. Le facteur principal qui permit au PCF de rester « communiste », se trouvait dans l’éclairage idéologique et politique du PC(b)US et de Staline. La disparition de ce dernier va incontestablement favoriser la progression des courants opportunistes et révisionnistes.

4) De la montée ininterrompue de l’opportunisme à la victoire du révisionnisme dans le PCF.

Le PCF après son éviction du gouvernement, s’engagea dans une dure lutte contre la réaction. Ce fut une période difficile mais très positive. Le PCF sut mener les luttes revendicatives, le combat pour les droits démocratiques et la souveraineté nationale menacée par l’impérialisme américain, contre l’impérialisme français et sa sale guerre d’Indochine. Le PCF combattit le révisionnisme et le nationalisme du parti de Tito et fut un grand artisan de la défense de l’URSS, avec le mot d’ordre lancé par Thorez au nom du Parti : « Non, jamais, le peuple de France ne fera la guerre à l’Union soviétique ! ».

Les militants du PCF reçurent un choc indescriptible, lors de la diffusion par la presse bourgeoise du « rapport secret de Khrouchtchev » en 1956 qui lançait la campagne antistalinienne à coups de calomnies et graves déformations des faits historiques.

Thorez, Duclos étaient opposés à ce rapport qui salissait la réalité de la première expérience de construction du socialisme. « Que de boue a lancé sur nous ce Khrouchtchev » dira Thorez à Togliatti. Enver Hoxha, le dirigeant albanais confirme : « Thorez m’a dit lui-même, nous avons demandé des explications aux camarades soviétiques. Ils nous en ont donné mais ils ne nous ont pas convaincus » (Enver hoxha. Les khrouchtchéviens. P.236 Ed française).

La résistance à la campagne antistalinienne s’exprima par l’intermédiaire de Jacques Duclos qui fit acclamer le nom et l’œuvre de Staline, lors d’un meeting le 5 mars 1956, ce qui fut suivi d’un tonnerre d’applaudissements.

Le groupe de Khrouchtchev ne restait pas inactif et s’appuyait sur les vues et ambitions des responsables plus jeunes du PCF. L’aide internationaliste pour briser la contre-révolution en Hongrie, la poussée révisionniste en Pologne, la violence anticommuniste en France favorisèrent l’offensive des éléments les plus opportunistes dans le PCF. D’autant que le groupe dirigeant, s’il restait réticent, refusa de suivre l’opposition des partis communistes chinois et albanais à la ligne générale du XX ème Congrès du PCUS.

Le rapport politique « officiel » de Khrouchtchev rencontra davantage l’assentiment puisqu’il réhabilitait les conceptions opportunistes sur la voie pacifique et parlementaire au socialisme. C’est d’ailleurs par ce biais que nombre de partis travaillés en profondeur par des tendances droitières vont se ranger sous la tutelle du PCUS khrouchtchévien.
Khrouchtchev affirmait : « La classe ouvrière (…) est en mesure d’infliger une défaite aux forces réactionnaires et antipopulaires, de conquérir une solide majorité au parlement et de transformer cet organe de la démocratie bourgeoise en instrument de véritable volonté populaire. En ce cas, cette institution, traditionnelle pour de nombreux pays capitalistes hautement développés, peut devenir l’organe d’une véritable démocratie, d’une démocratie pour les travailleurs » (Cahiers du communisme.1956, N° spécial XXème Congrès du PCUS p.46-47).
Le groupe de Khrouchtchev s’engagea dans une véritable rupture avec le bolchevisme et ses principes, obscurcissant l’ensemble des questions liées à la révolution socialiste et à l’Etat bourgeois.

Reprenant les théories du révisionniste Bernstein, Khrouchtchev prônait la transformation pacifique de la réaction en socialisme au moyen de la transformation de la démocratie bourgeoise. Implicitement était nié le fait que l’Etat capitaliste est aux mains des monopoles et qu’il faut le briser pour le triomphe de la révolution socialiste. Certes des forces progressistes dans le cadre parlementaire peuvent accéder au gouvernement (hypothèse rare) mais les tâches révolutionnaires restent intactes : renversement de la bourgeoise monopoliste, changement de mode de production par une révolution (et non par accumulation graduelle), destruction de l’Etat des oligarques financiers et instauration de la dictature du prolétariat, nécessité de la violence révolutionnaire contre les tentatives contre-révolutionnaires, formation de corps armés issus de la classe ouvrière et des travailleurs.
La « ligne générale » du XXème Congrès déchaîna les éléments opportunistes et révisionnistes qui ne s’étaient ralliés à la critique du Kominform que contraints par le prestige du PC(b)US, de Staline, de l’URSS, ils passèrent alors à l’offensive.

Le PCF se rallia à la stratégie d’alliances avec la social-démocratie pour un « passage pacifique au socialisme », en commençant à réviser la nature de classe de l’Etat et de la social-démocratie. Cette question de l’ « alliance » était jugée première pour les dirigeants PCF puisque le groupe parlementaire communiste vota les pleins pouvoirs au premier ministre socialiste Guy Mollet, afin de « faire la paix en Algérie ».
Une fois de plus, la social-démocratie trahira ses engagements et se rangera aux côtés des ultra-colonialistes en s’inscrivant résolument dans la politique impérialiste de guerre et en expédiant le contingent, c’est-à-dire les jeunes appelés du service militaire en Algérie. Cette politique sera vouée à l’échec en raison du rayonnement croissant des forces de libération nationale algérienne.

En 1958, des manifestations massives des forces réactionnaires et colonialistes favorisèrent le coup d’Etat de De Gaulle.
En réalité, la concentration et la centralisation des monopoles accélérées dans les années 50 poussèrent les monopoles à transformer la superstructure dans le sens d’un autoritarisme croissant puisqu’en France existait un décalage entre la base impérialiste de l’économie et la superstructure où le Parlement était encore l’organe principal de pouvoir (IV ème République).

« L’impérialisme est l’époque du capital financier et des monopoles qui provoquent partout des tendances à la domination et non à la liberté. Réaction sur toute la ligne, quel que soit le régime politique, aggravation extrême des antagonismes dans ce domaine également : tel est le résultat de ces tendances. De même se renforcent particulièrement l’oppression nationale et la tendance aux annexions, c’est-à-dire la violation de l’indépendance nationale » (Lénine. « L’impérialisme, stade suprême du capitalisme ». Editions numériques. P. 392).

De Gaulle allait faire ratifier une nouvelle constitution celle de la Vème République qui visait une concentration de l’exécutif correspondant à la concentration monopolistique. L’élection du président de la République au suffrage universel, fut la clé de voûte des transformations institutionnelles. Les nouvelles institutions constituaient une résurgence du bonapartisme, en instaurant une véritable « monarchie républicaine ».

Cette modification (« le présidentialisme ») eut et a toujours pour conséquence de créer une « bipolarisation ». La dictature de l’oligarchie financière s’exerce ainsi, au moyen de l’alternance, entre un parti ou bloc réactionnaire autour du parti gaulliste et le parti socialiste et ses alliés. Alternance qui ne représente aucun danger pour le pouvoir du capital.

Dans l’esprit de De Gaulle, la victoire de la gauche serait impossible puisque le PCF était alors le parti le plus fort en suffrages (fin des années 50-début des années 60). L’anticommunisme, pensait De Gaulle pèserait sur une social-démocratie elle-même anticommuniste et l’empêcherait d’atteindre le seuil fatidique des 50 %.

Poussé par la ligne opportuniste du XXèmeCongrès du PCUS et lui-même tenant d’une ligne électoraliste et parlementariste, le PCF eut alors pour tactique de s’allier plus étroitement avec la social-démocratie et d’obtenir un « programme commun de gouvernement » avec le Parti socialiste et le Parti radical (parti des couches moyennes).

Ainsi, tout en dénonçant les institutions réactionnaires, le PCF s’inscrivait dans leur cadre. La tactique du Parti socialiste saisit l’opportunité des déviations droitières du PCF pour créer les conditions politiques à terme de son hégémonie sur le PCF.

Mitterrand qui devint le dirigeant du parti socialiste fixa au PS l’objectif de prendre au PCF 2/3 de ses voix, pour réduire le Parti Communiste français à un rôle de satellite. Sa tactique consista à exercer une pression constante sur ses « alliés » notamment sur le terrain des libertés démocratiques et le l’ « antitotalitarisme » tout en prônant, en paroles, le « même programme de transformations sociales » que le PCF.
Le PCF dut ainsi reconnaître le pacte Atlantique comme cadre des alliances militaires de la France, le Marché Commun, s’engager dans la reconnaissance de « l’alternance » y compris sous le socialisme, participer à certaines campagnes antisoviétiques, de soutien aux dissidents, renoncer au rôle dirigeant du parti d’avant-garde puis, nous le verrons à la dictature du prolétariat !

Dans cette alliance avec la social-démocratie, devenue stratégique, le PCF rompit avec les enseignements léninistes, sur la nature de classe de la social-démocratie, comme parti de défense du système capitaliste et présentait le parti socialiste certes comme réformiste, mais comme partisan du socialisme. Dans les années 70, un dirigeant du PCF crût bon de dire « Plus rien ne nous différencie du PCF, sauf le rythme des transformations, le parti socialiste reconnaît maintenant la lutte de classes » (P. Laurent). Les confusions sur la nature de l’Etat des monopoles s’aggravèrent dans le PCF, ainsi était prôné un stade intermédiaire de transition au socialisme : la « démocratie avancée » qui ne correspondait ni à la dictature de l’oligarchie financière ni à la dictature du prolétariat ! Les nationalisations (qui relèvent pourtant du capitalisme d’Etat) étaient conçues comme « ouvrant la voie au socialisme », par simple extension du secteur public d’économie. On assistait chez les communistes français à une résurgence de la théorie des Bernstein, Jaurès sur la « transformation pacifique du capitalisme en socialisme ».

« En restreignant la main mise des monopoles sur les forces productives et les richesses, en défendant, non seulement ses intérêts propres, mais ceux de la paysannerie, des intellectuels, des classes moyennes mobilisées contre l’oppression du grand capital, la classe ouvrière s’affirme toujours plus capable d’assumer la charge du patrimoine matériel et spirituel de la France. (…) La démocratie, création continue, s’achèvera dans le socialisme ». (Cahiers du communisme n° spécial, 15è Congrès, p. 60). Cette « voie pacifique au socialisme » ignorait le caractère de classe de la démocratie, c’était d’autant plus grave que la constitution gaulliste avait restreint nombre de libertés démocratiques et que le PCF présentait la venue du socialisme sous l’angle d’une évolution paisible, ignorant l’exacerbation des contradictions de classes.

En mai 1968, la France vit une formidable grève générale de 10 millions de travailleurs qui cessèrent le travail durant plus d’un mois. Cette grève s’accompagnait d’une révolte massive de la jeunesse qui s’ouvrait aux idées révolutionnaires, de l’occupation des usines et des lieux de travail.

Les militants communistes, par l’intermédiaire de leur syndicat la CGT, jouèrent un rôle décisif dans le mouvement qui réclamait l’abrogation des réformes réactionnaires et la démission du général De Gaulle, des élections anticipées. Politiquement, la direction du PCF fut pris de cours par ce mouvement : premier affrontement de classe contre le pouvoir des monopoles. Très vite, les dirigeants du PCF affirmèrent que la situation n’était pas révolutionnaire, que le pouvoir n’était pas à prendre. Waldeck Rochet (secrétaire général) présenta même le PCF comme un « parti de l’ordre », ce qui accentua la coupure avec une partie importante de la jeunesse révoltée.

La seule perspective tracée fut d’appeler à nouveau à l’élaboration et à la signature d’un Programme commun de gouvernement Parti socialiste/PCF. C’est-à-dire, proposer une solution parlementaire à un mouvement qui se tenait précisément sur le terrain de la démocratie directe, des comités de grève, de la volonté d’abroger la V ème République.

Par la suite, les tenants du cours opportuniste dans le PCF présentèrent la ligne de la direction, comme la seule responsable « ayant évité la guerre civile et l’aventure ». Sans céder précisément à des déviations infantiles et gauchistes, on peut légitimement se poser la question de savoir si le PCF, prenant appui sur les exigences démocratiques et sociales de la majorité des travailleurs en lutte, ne pouvait prendre la tête d’un front démocratique de luttes, organisé en comités de base et obtenir la démission de De Gaulle et du gouvernement, l’abrogation de la Vème République et l’avènement d’une Assemblée constituante, ce qui aurait aggravé les contradictions du système d’exploitation.

L’opportunisme dans la pratique avait sa source dans le fait que le PCF ne ciblait plus le capitalisme en tant que système global depuis au moins une décennie et se battait simplement pour des réformes, dans le cadre de ce système, ce qui ne permettait pas la formation d’une forte conscience anticapitaliste dans la masse des travailleurs, nécessaire à l’aspiration à la révolution socialiste.

Le Programme Commun : PCF-PS-Radicaux de gauche finalement sera signé le 27 juin 1972. Ce programme n’était pas un programme de luttes mais de « gouvernement », il comportait d’importantes réformes démocratiques et sociales mais déconnectées des luttes de classes, la logique de ce type de démarche est de miser tout, sur une victoire électorale. Le PCF poursuivait son éloignement de la théorie marxiste de l’Etat, puisque le programme commun, à aucun moment ne présentait l’Etat du capital comme un obstacle ultime à vaincre pour satisfaire les revendications démocratiques et sociales. Grandissait de fait la conception dénoncée, dans un autre cadre, par Robespierre de « Révolution sans révolution ! ».

En 1974, des élections législatives partielles, pour la première fois plaçaient le parti socialiste devant le PCF. L’objectif de Mitterrand devenait crédible.

Les dirigeants du PCF, rongés par l’opportunisme et inquiets de la poussée électorale de la social-démocratie décidèrent de s’attaquer à l’ensemble de l’héritage légué par le marxisme-léninisme, pour tenter de concurrencer la social-démocratie. Le résultat sera dramatique puisque pan après pan, l’identité révolutionnaire va être liquidée. Une fois, le PCF social-démocratisé, la classe ouvrière désertera les rangs d’un parti « devenu comme les autres ».

Le 22ème Congrès du PCF vit la victoire définitive du courant révisionniste, à la suite de la disparition des derniers dirigeants historiques : Jacques Duclos, Benoît Frachon, François Billoux. La campagne antistalinienne, mise en veilleuse depuis les années 60, fut relancée. Georges Marchais présenta le « stalinisme » comme « une perversion monstrueuse du socialisme ».
« Ce fut vraiment en 1976 avec le 22ème Congrès que le PCF rompit avec le modèle soviétique et définira le socialisme original qu’il faut pour la France » ( « Révolution », nov. 81 – page 31 ).

A ce congrès, Georges Marchais critiqua la notion de « Dictature du Prolétariat ». Selon lui, le mot « dictature » était mal ressenti par les travailleurs suite aux dictatures de Franco, Salazar, Hitler, Pinochet. Cela était utilisé comme prétexte pour G. Marchais afin d’aller plus loin et liquider la notion de prolétariat « qui ne saurait correspondre à la classe ouvrière d’aujourd’hui ».

C’est donc en 1976, que le parti communiste renonça définitivement à inscrire son action et stratégie, dans la validité de la théorie marxiste de l’Etat comme dictature de la classe dominante. Le pouvoir du Capital n’était plus dépeint comme dictature de la bourgeoisie monopoliste, le congrès évoquait la démocratie (sans caractéristiques de classe) comme moyen et but des communistes. On dénonçait les restrictions et atteintes aux libertés mais on refusait de dénoncer la « démocratie capitaliste » comme fausse démocratie, à l’avantage exclusif des oligarques financiers.

A ce Congrès fut affirmé le concept de « voie démocratique au socialisme », « c’est au moyen, à chaque étape, du suffrage universel (tous les partis y compris réactionnaires et financés par le capital, ayant les mêmes droits- Note de l’auteur) que se sera fixé le rythme de l’édification de la société nouvelle » (XXIIème Congrès) ou la décision de stopper cette édification « si les électeurs en décident ainsi » ! Ce crétinisme parlementaire se situait trois ans après le coup d’Etat fasciste de Pinochet et de l’Armée au Chili. Aucune autocritique ni même réflexion ne vint troubler le cours des révisionnistes français, sur la validité de la voie parlementaire au socialisme. On sentait là toutes les graves déviations antimarxistes et réformistes de l’eurocommunisme, auquel le PCF venait de se rallier avec le parti communiste italien, le PC d’Espagne.

Le XXIIIème Congrès consacra le ralliement du PCF à « l’autogestion comme voie et moyen ». Il y avait là une vision instrumentale, utilitaire. Le PS devenu hégémonique glissant toujours plus à droite et rendant difficile l’accession au pouvoir par la voie des élections, le PCF tenta de reprendre l’initiative (en fait de passer électoralement devant la social-démocratie) en se ralliant aux concepts autogestionnaires à la mode lancés par le syndicat social-démocrate CFDT. Fût abandonnée la notion d’étapes (la « démocratie avancée ouvrant la voie au socialisme ») pour prôner l’idée encore plus opportuniste que le « socialisme se construit chaque jour pas à pas, dès maintenant » (résolution du XXIIIème congrès du PCF).

Les « théoriciens » révisionnistes attaquaient toujours plus les principes révolutionnaires pour mieux les liquider, dans un parti au très faible niveau d’éducation marxiste. « Cette notion (la dictature du prolétariat) formulée au 19ème siècle renvoie indiscutablement à des pays qui ont un certain type de structures sociales, à majorité paysanne (…) La prise du pouvoir d’Etat par la classe ouvrière lui permettait d’agir de façon centralisée sur l’ensemble de la société pour la transformer dans le sens du socialisme. Cette conception d’une action centralisée de l’Etat telle que nous venons de la définir est en quelque sorte rejetée comme ne correspondant plus à la stratégie de transformation de la société française que nous entendons mettre en œuvre pour aller au socialisme ». (Jacques Scheibling « Pour une stratégie autogestionnaire »pages 38/39. Editions sociales. 1979).

Cette « théorie » tenta, de manière impuissante, à combler par un substitut, le rejet de la théorie matérialiste de l’Etat, en reprenant la fable de Proudhon sur la validité des transformations économiques, la question de l’Etat étant présentée comme négligeable !
Les conquêtes sociales accumulées, selon les révisionnistes, même inégales selon les entreprises et régions, constitueraient la transformation sociale, le fameux « pas à pas ».

Théorie absurde qui ne tient aucunement compte des capacités de riposte de la bourgeoisie forte de sa mainmise sur l’ensemble de l’appareil d’Etat répressif et administratif. Doux rêves anarchistes, dans un parti se réclamant du communisme !

Les révisionnistes reprirent aussi la théorie d’une démocratie neutre pour toutes les classes, ils affirmaient que la « démocratie » est la voie choisie pour pas à pas, réformes après réformes, aller au « socialisme autogestionnaire », sans que cela nécessite de forcément gagner les élections, aller au gouvernement, à fortiori de briser l’Etat bourgeois par une révolution socialiste. Ainsi, un triste théoricien de cette époque (aujourd’hui anticommuniste) affirmera qu’on peut construire le socialisme pas à pas même sous un gouvernement de droite !

« La « nouvelle croissance française » prônée par le PCF était jugée indifférente au parti qui dirige, puisque le socialisme peut se construire sans prise du pouvoir ! ! !
L’économisme était le corollaire de l’ensemble de ces déviations, l’anarcho-syndicalisme faisait un retour en force.

Le PCF appela, évidemment à ce congrès à rompre avec « un trop grand respect de la lettre des classiques du marxisme ». Les nouveaux statuts supprimèrent la référence au marxisme-léninisme, à Lénine.

Comme Gorbatchev, des années plus tard, on se revendiquait des divers fondateurs de la pensée sociale, y compris donc les penseurs révisionnistes du début du XX ème siècle.

Le Congrès mesura (à juste titre mais sans autocritique) que « le « Programme Commun » a eu pour effet de déconnecter les luttes revendicatives et les batailles politiques, les élections se subordonnant les luttes. ( XXIIIème Congrès).

Selon leurs auteurs, « cette démarche autogestionnaire (dans le droit fil du titisme. Note de l’auteur) ne reposait plus sur un processus d’étapes globales et définies à l’avance mais sur un autre type de processus constitué d’avancées partielles se nourrissant les unes et les autres et s’orientant les unes avec les autres. Ces avancées s’appuyant sur les luttes et sur la démocratie peuvent déclencher dans tous les secteurs et dans tous les domaines des mouvements de transformation de la société mais pas forcément au même moment et au même niveau. » (cf. Jacques Scheibling…). Au lieu de la « démocratie avancée, le PCF se rallie à l’avancée démocratique vers le socialisme ! On manie avec esprit le lexique, mais ce charabia cache mal, le vide de la pensée et de la pratique

Au 24ème Congrès, alors que le PCF, encore affaibli électoralement avait choisi de participer à un gouvernement à direction socialiste, le PCF changea une fois de plus de cap. La stratégie autogestionnaire qui prônait la construction du socialisme en bas, sans se soucier d’aller au pouvoir, fut abandonnée. G. Marchais vantait alors un mode de consommation petit-bourgeois : « Le socialisme à la française est inconcevable sans que la possibilité soit offerte aux personnes, aux familles d’être propriétaire du logement qu’elles occupent, de leur automobile, de leur résidence secondaire ». « La France n’est plus le pays des – Misérables – de Victor Hugo ou du Germinal d’Emile Zola » (G.Marchais. « Rapport du Comité central. XXIVème Congrès du PCF).
A ce congrès, est lancé un nouveau concept qui accentue la critique du socialisme en URSS, « les socialismes », avec l’idée centrale qu’ « il y a autant de socialismes que de pays » pour justifier le « socialisme à la française ». On aboutissait ainsi à nier la validité et l’existence de lois universelles dans la construction du socialisme !

De plus, ce « socialisme » emprunte plus au « socialisme du goulasch » de Khrouchtchev, mettant l’accent plus sur la consommation individuelle que collective et ne traitant ni de la liquidation de l’exploitation du salariat, de l’oppression nationale, de la nécessité historique d’abolir le salariat et liquider les classes.

Les questions de l’Etat et de la révolution restaient totalement éludées. G. Marchais écrivit un livre intitulé « Démocratie » dans lequel il se livrait à une apologie de la démocratie bourgeoise devenue la finalité du combat du PCF. « J’ai montré que nous avions totalement extirpé de nos têtes, la conception d’une société socialiste qui succèderait en bloc à la société capitaliste, d’une révolution qui se ferait un ‘ grand soir’ ». (« Démocratie ». G.Marchais. pages 209-210. Editions grasset).

Les concepts de classe découlant de l’analyse des rapports de production d’exploitation sont abandonnés au profit d’une vague « approche sociologique », le PCF parlait de plus en plus des « pauvres », des « gens ».

G. Marchais divisait le capitalisme en bons et mauvais côtés, la lutte consiste à corriger les mauvais côtés notamment pour Marchais, « l’absence d’intervention des salariés dans la gestion ». Marx réfute ce genre de « dialectique » « Pour lui, M. Proudhon toute catégorie économique a deux côtés : l’un bon, l’autre mauvais. Le bon côté et le mauvais côté, l’avantage et l’inconvénient pris ensemble, forment pour M. Proudhon, la contradiction dans chaque catégorie économique ; (K. Marx, Misère de la philosophie, Editions sociales 1947, page 89).

Le PCF perdit 6 % aux élections présidentielles de 1981 en atteignant 15 %, début d’un déclin qui se poursuivra inexorablement jusqu’au 1,9 % aux dernières consultations, en avril 2007.

Les années 80 sont marquées par une « nouvelle politique », théorisée par l’économiste Boccara qui propose l’adoption de nouveaux « critères de gestion » en place de ceux définis par Marx dans « le Capital ». L’objectif est de légitimer le profit capitaliste et de s’inscrire dans la reconnaissance par le PCF et la CGT de « l’économie de marché ». La théorie de la Plus-value est remplacée par celle de la « valeur ajoutée ». En clair, les idéologues révisionnistes proposent une impossible théorie de l’harmonie entre profits capitalistes (le terme d’exploitation disparaît du vocabulaire du PCF et de la CGT) et développement des investissements pour l’emploi, les salaires et la formation. L’objectif assigné est de limiter la spéculation financière et d’orienter les investissements des monopoles capitalistes pour la production.

Parallèlement, l’impérialisme restructura son économie et supprima les industries traditionnelles (métallurgie, sidérurgie, mines, textile). Ce furent près de 2 millions d’emplois industriels qui vont être liquidés avec des retombées sur les luttes et la composition sociale de la CGT et du PCF. La classe ouvrière devint minoritaire dans les instances y compris de la première centrale syndicale de France, où les cadres et ingénieurs devinrent majoritaires. Cela renforça le cours réformiste du PCF où les couches moyennes donnaient le cours des orientations, visant en dernière instance « à vivre mieux sous le capitalisme ».

5) Du révisionnisme à la liquidation social-démocrate du PCF.

Si Marchais joua le rôle d’un Khrouchtchev français, Robert Hue sera son Gorbatchev. Arrivé à la direction du PCF au début des années 90, après la contre-révolution en URSS, Hue va liquider toutes les survivances du communisme dans le PCF.

Jusqu’ici, sauf lors de l’abandon du principe marxiste-léniniste de la dictature du prolétariat, qui avait rencontré l’opposition de plusieurs centaines de camarades, les abandons furent programmés les uns après les autres : théorie de la révolution, des lois générales du socialisme, de l’internationalisme prolétarien

Cela suscita peu d’émotions dans le parti, parmi les opposants, beaucoup partirent puisque de 1980 à aujourd’hui les 9/10ème des effectifs ont fondu. La majorité a rejoint l’électorat socialiste, logique réformiste aidant, autant soutenir l’original plutôt que la copie. Beaucoup sont perdus pour la lutte politique.

Comment en est-on arrivé là ? Le PCF avait de fait repris la devise de Bernstein : « Le mouvement est tout, le but est rien ». Les militants se consacraient à la lutte quotidienne contre le patronat et les conséquences antisociales de la crise et la politique était réduite à la vente de « l’Humanité » (organe du PCF »), à la remise des cartes et à la préparation des campagnes électorales. Les écrits des théoriciens révisionnistes étaient lus seulement par une poignée de camarades, la grande masse peu ferrée en théorie, ne mesurait pas le changement progressif d’identité. La lecture des classiques était abandonnée depuis longtemps (depuis les années 70) et la formation était réduite à la compilation des rapports et discours des dirigeants. L’expérience du mouvement communiste français et international, était jetée par-dessus bord. Les buts stratégiques étaient abandonnés depuis longtemps, la tactique était érigée en absolu se substituant à la stratégie révolutionnaire. Pour calmer les inquiétudes, la fonction de la théorie était d’expliquer et de se subordonner aux échéances électorales et conjoncturelles. La direction était obligée de critiquer toutes les « théories » antérieures du PCF révisionniste qui fausses, ne trouvaient nulle application et affaiblissait toujours plus le Parti.

L’esprit de discipline était très fort, toute parole opposante valait à l’intéressé de ne plus faire partie de la collectivité, beaucoup s’inclinèrent par manque de courage politique.

En 1991, Hue lança la « mutation » du PCF qui consistait selon l’idéologue mutante Francette Lazard, « à rompre dans tous les domaines avec le parti de type nouveau, héritée de l’Internationale communiste ». Ce qui fut fait effectivement.

Robert Hue passa à la critique ouverte de la conception matérialiste de l’Etat. « Imagine-t-on le trouble, le déchirement, que purent provoquer des analyses péremptoires, tranchées au couteau, sur les « libertés bourgeoises », la « démocratie bourgeoise », directement tirées du modèle soviétique ? ». ( Hue « La Mutation ». p 111).

Sur le modèle réel de tous les courants opportunistes et révisionnistes du PCF, Hue va valoriser ce qui a été critiqué par l’Internationale communiste et le Kominform, c’est-à-dire, va transformer en « ligne juste » les déviations parlementaristes, légalistes, chauvines dont le point commun est le rejet de la théorie marxiste de l’Etat.

« L’élan avait été donné dans les années du Front Populaire à une recherche originale sur la ‘ démocratie, création continue’, elle avait été relancée en 1947 (en réalité en 1946, Hue se trompe. Note de l’auteur), puis une chape de plomb se mit à peser sur tout cela (…) mais le fait est là : la pensée communiste française, marquée par l’importance prioritaire accordée à la démocratie, est alors mise en sommeil, voire refoulée. Sans doute est-ce là un des traits principaux de ce Parti des années 50, se proclamant lui-même ‘stalinien’, que je viens d’évoquer. Et plus que du seul ‘modèle’, c’est semble-t-il de cela que nous avons tardé à nous dégager » (Hue . ouvrage cité .P.125-126).

Le parti en mutation va une fois de plus avancer de nouveaux concepts, enfonçant le PCF dans la trahison des intérêts de classe. Le concept de Marx de « dépassement du capitalisme » est détourné, là où Marx supposait une Révolution prolétarienne préalable et l’établissement de la dictature du prolétariat, le PCF « muté » fixait l’horizon stratégique à une accumulation de réformes qui changeraient progressivement de l’intérieur les critères de gestion capitalistes afin de « tourner l’économie vers l’homme ». La question de la propriété des moyens de production fut revendiquée comme très secondaire, par refus de « l’étatisme ». Le PCF se positionnait pour une « économie sociale de marché ». Dans ce cadre, l’objectif du socialisme était abandonné comme « déviation stalinienne ». Lénine était aussi attaqué pour avoir liquidé l’opposition, « garante de la démocratie ».

Contre la mutation et la liquidation du PCF, les éléments restés communistes décidèrent de se regrouper et d’opposer leur propre plate-forme alternative au cours révisionniste. Ce fut la création de la Coordination communiste (aujourd’hui le Pôle de Renaissance Communiste en France) et l’Union des Révolutionnaires-Communistes de France-URCF) et « Communistes ».

Ce combat permit de développer les principes du matérialisme historique et dialectique liquidés depuis longtemps, d’armer les communistes dans le combat contre la liquidation du PCF. Mais, le poids de l’appareil bureaucratique des permanents et des élus municipaux et autres empêchèrent la base de pouvoir se faire entendre à grande échelle aux divers congrès. De plus, l’opportunisme sévissait dans les rangs des opposants communistes, certains misant sur une impossible et contre-productive « révolution de palais », à l’intérieur de l’appareil bureaucratique intégré au capitalisme.

La mutation conduisit au passage du révisionnisme au social-démocratisme. Les tendances multiples fleurirent dans le parti, les droitiers tous plus réformistes, les uns que les autres, donnant la tonalité générale.

Le PCF choisit d’entrer dans le gouvernement bourgeois de Jospin, en 1997, qui appliqua une très dure politique social-libérale, pulvérisant le record des privatisations et des fermetures d’entreprise. Le gouvernement Jospin et ses alliés du PCF engagèrent la France dans la guerre impérialiste d’invasion d’un Etat souverain d’Europe : la Yougoslavie.

Militant contre cette sale guerre de l’impérialisme français et de l’Union européenne, la majorité de la Coordination Communiste (l’URCF actuelle) s’engagea dans la rupture avec le PCF et la création d’une organisation communiste indépendante, construisant le parti à partir de la classe ouvrière.

Le PCF continue encore de vivoter grâce à l’appui des monopoles. Ces derniers sont intéressés à l’existence d’un parti « communiste » conduisant une politique de « soutien social au capitalisme ». Ainsi, le complexe militaro-industriel, les groupes Lagardère et Dassault ont accordé 10 millions d’euros afin de sauver « l’Humanité », ils financent aussi les campagnes de certains députés du PCF. Ce parti, au-delà de son appellation, est social-démocrate. S’il touche encore quelques secteurs ouvriers mais de moins en moins, il est devenu un parti de la petite-bourgeoise et des couches moyennes, un relais du parti socialiste/deuxième pilier de la dictature du Capital dans notre pays.
Conclusion.

Engagée dans la tâche de reconstruction d’une avant-garde communiste en France, l’URCF estime que l’on doit s’inspirer de la riche expérience de l’Internationale Communiste sur la bolchevisation des organisations communistes afin de rompre réellement et pas superficiellement avec le social-démocratisme et de déterminer les sources matérielles, idéologiques, historiques qui ont permis le triomphe provisoire du révisionnisme.

Les sources matérielles qui alimentent l’opportunisme se situent dans le caractère impérialiste du capitalisme. Le pillage semi-colonial a favorisé la distribution de « miettes » qui ont permis la corruption politique et sociale des chefs et des élus issus de la classe ouvrière tant à la CGT qu’au PCF. Dans les années 50 et 60, sous couvert de « droits syndicaux », la bourgeoise a laissé faire la création de postes de permanents dans les diverses institutions. Tant que le PCF gardait son caractère révolutionnaire, les postes de permanents pouvaient signifier la répression et la prison. Avec l’adoption de la « voie parlementaire et pacifique au socialisme », de méthodes de luttes uniquement électorales et la progression de la conception opportuniste et révisionniste du monde, les emplois de permanents et d’élus se sont transformés en sinécure. L’horizon de la bureaucratie ouvrière (ou à l’origine ouvrière) est l’aménagement quotidien du capitalisme. Lors de l’ouverture du processus de privatisation d’EDF (monopole public d’électricité), par exemple, la bureaucratie a négocié la défense de ses propres intérêts de caste au détriment du service public et des travailleurs !

Sa conception du monde est petite-bourgeoise, en cela, le bureaucrate vise à se faire une place dans le système capitaliste.
Cerner les racines idéologiques du révisionnisme exige l’examen critique du passé et du présent du mouvement ouvrier et des partis qui ont été créés, à l’origine, pour renverser le capitalisme. Ces partis se sont transformés en partis sociaux-réformistes ou libéraux, leurs dirigeants se sont intégrés à l’appareil d’Etat. Comment en est-on arrivé là ?

Lénine et Staline nous donnent de précieuses indications. « Evidemment, sous la domination de la bourgeoisie, il est très « difficile » de vaincre les habitudes bourgeoises dans notre propre parti, c’est-à-dire dans le parti ouvrier : il est « difficile » de chasser du Parti, les chefs parlementaires de toujours, irrémédiablement corrompus par les préjugés bourgeois (…) En Europe occidentale ou en Amérique, la bourgeoisie est beaucoup plus forte, plus fortes les traditions démocratiques-bourgeoises. » (Lénine. « La maladie infantile du communisme » .P. 372, Editions numériques).

« La révolution d’octobre avait en face d’elle cet ennemi relativement faible, mal organisé, peu expérimenté en politique qu’était la bourgeoisie russe (…) Elle n’avait pas l’expérience des combinaisons et mystifications politiques d’envergure que possède, par exemple, la bourgeoisie française. »(Staline. Histoire du PC(b)US. P.173. ed.1949).
En France, la bourgeoisie a toujours cherché à intégrer une partie de la classe ouvrière à son système via la démocratie bourgeoise, via la « République ». L’ensemble des déviations, erreurs et fautes : légalisme, électoralisme, chauvinisme ont leur source dans la non assimilation de la théorie marxiste de l’Etat, dans son rejet ou son « ignorance ». La bolchevisation de l’URCF met au centre, de la formation des militants communistes, cette assimilation d’un principe cardinal du marxisme-léninisme, mais ce sera un processus de longue haleine dans un pays qui a érigé le « manque de théorie » en théorie précisément.

L’autre volet de la bolchevisation, c’est de travailler prioritairement en direction de la classe ouvrière afin de former des cellules d’usine et d’organiser le travail communiste distinct du travail syndical, afin qu’émerge avec l’organisation communiste, une stratégie révolutionnaire de luttes.

L’URCF, a remporté des premiers succès dans ce domaine, plus que jamais, nous partageons la thèse centrale du PCOR (parti Communiste ouvrier de Russie), selon laquelle l’édification du parti communiste s’effectue par une lutte permanente contre l’opportunisme et son porteur matériel : la petite-bourgeoisie.

URCF Paris, le 1er mai 2007.