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HOMMAGE AUX MARTYRS DE CHÂTEAUBRIANT

samedi 22 octobre 2011

Le 22 octobre 1941, vingt sept communistes sont exécutés dans la carrière près du camp de Châteaubriant sur ordre du Commandant des forces d’occupation Von Stulpnagel à qui furent fournis les noms des otages à exécuter par les autorités françaises sous la responsabilité du ministre de l’Intérieur Pucheu. Les militants et sympathisants de l’URCF saluent leurs camarades martyrs et œuvrent, suivant leur exemple, à construire le Parti qui organisera dans la lutte anticapitaliste et antifasciste le peuple travailleur de France dans la perspective de la révolution socialiste.

Le camp de Châteaubriant était une ancienne ferme avec ses dépendances qui fut réquisitionnée au début de la guerre en prévision de l’internement éventuel de prisonniers allemands. En fait, il servira, après la défaite, de prison pour des Français répartis dans trois sections séparées : une pour les droits communs (trafiquants et bandits) menant la belle vie grâce à leurs relations ; une pour les tsiganes (hommes, femmes et enfants) dont les conditions de détention étaient les pires ; et une troisième qui allait regrouper une majorité de communistes et de syndicalistes, tous appartenant à la classe ouvrière et provenant des prisons de Poissy et de Clairvaux, et ensuite des militants des environs de Nantes. Dans cette dernière section, l’autorité (quelques gendarmes en manque d’effectifs suite à la désorganisation consécutive à la débâcle) permit tout d’abord une relative autonomie des détenus en matière d’organisation (ménage, cuisine, loisirs, éducation politique). Bien sûr, si la détention était plus supportable pour les camarades dans ce camp au grand air entouré de verdure que dans les maisons d’arrêt où ils avaient été écroués à partir d’octobre 1940 suite à la répression anticommuniste qui avait précédé l’arrivée de l’armée allemande, il était hors de question de rester
en dehors du combat contre l’envahisseur et ses suppôts. Le contact fut donc rapidement pris avec le Parti à l’extérieur et la décision fut prise d’organiser l’évasion de quatre membres du Comité Central. Les 18 et 19 juin 1941, Fernand Grenier, Léon Mauvais, Eugène Hénaff et Henri Raynaud parvinrent à s’évader grâce à un réseau installé dans la ville même de Châteaubriant et avec l’aide de leurs camarades restés au camp qui ne signaleront leur “disparition” qu’une fois qu’ils furent à l’abri.

L’entrée en guerre de l’URSS le 22 juin 1941 change le caractère de la deuxième guerre mondiale : de guerre de rapine entre pays impérialistes, elle devenait une guerre de libération des peuples contre le fascisme. L’occupant procède à des arrestations massives avec l’aide de policiers français contre de nombreux militants et sympathisants du Parti, des syndicalistes, des socialistes et des dirigeants d’associations d’anciens combattants. Plusieurs dizaines d’entre eux viennent grossir les rangs des captifs de la troisième section du camp.

Dès lors, et au fur et à mesure que la victoire imminente du Blitzkrieg de Hitler était reportée aux calendes grecques, l’espoir renaissait dans la population, même parmi ceux qui avaient cru à la propagande anti-soviétique, relayée entre autres par les trotskystes, sur la prétendue désorganisation de l’Armée Rouge. En France, c’était le signal pour la résistance armée, après deux années de préparation : reconstitution du Parti clandestin, constitution de dépôts d’armes, propagande en direction de la classe ouvrière et de larges couches de la population dénonçant le régime de collaboration. Il fallait attaquer directement l’armée allemande, la harceler, la démoraliser, détruire ses moyens de communication et de ravitaillement pour
soutenir la résistance de l’Union Soviétique et de son peuple et retenir le plus possible de divisions allemandes à l’ouest. C’est ainsi que le 20 août, Pierre Georges (le Colonel Fabien) exécute un officier nazi au métro Barbès à Paris. Les actes de résistances ne cesseront de croître à partir de cette période, en même temps que la rage de l’occupant et de ses collaborateurs à chaque action des Partisans et à chaque victoire de l’Armée Rouge.

En juillet des femmes et des jeunes filles résistantes sont amenées au camp de Châteaubriant. A l’intérieur, comme dans les autres prisons et camps, la répression s’accentue. Le 23 septembre, 19 communistes sont isolés des autres dans le baraquement N°19. Il y a Charles Michels, député déchu de son mandat en 1940, Jean-Pierre Timbaud, secrétaire de la Fédération CGT des métaux de la région parisienne, Jean Poulmarch, de la Chimie... Ils comprennent immédiatement qu’ils ont été choisis comme otages. Ils parviennent à retourner dans le reste du camp à l’insu des gardes et discutent avec leurs camarades de la situation sur
le front soviétique et de l’inéluctabilité de la défaite nazie. Ils vont être rejoints par Désiré Granet, secrétaire de la CGT des papiers et cartons et désigné sur la liste des otages par un renégat du syndicat passé à la collaboration.

Le 20 octobre, trois FTP venus de Paris exécutent le Feldkommandant de Nantes Hotz. Dès le lendemain, Von Stulpnagel annonce qu’il a ordonné de fusiller en représailles 50 otages. Le ministre de l’Intérieur Pucheu lui fournit une liste de 60 communistes internés à Châteaubriant et qu’il qualifie “des plus dangereux”. Sur ordre du préfet de Loire-Inférieure Lecornu, le camp est fermement repris en main par la gendarmerie à qui il est ordonné de tirer sans sommation sur tout prisonnier qui n’obéirait pas au règlement et aux ordres. Le 21, Charles Michels est informé de l’exécution de 50 d’entre eux le lendemain. Il réunit aussitôt les camarades pour décider de la conduite à tenir. L’idée d’une évasion ou d’un soulèvement est écartée en raison du rapport de forces défavorable (les prisonniers n’ont pas d’armes). L’ennemi y trouverait un prétexte pour un massacre généralisé. Ils décident d’entonner la Marseillaise à l’annonce de la sentence et de faire en sorte qu’elle soit reprise par tous les prisonniers du camp. Ils écrivent une lettre pour leur proches. Ces lettres seront pour la plupart publiées et citées dans de nombreux ouvrages comme des modèles de courage et de confiance en la victoire et la création d’une société libre et juste. Celle de Jean-Pierre Timbaud se termine par “Vive la
France ! Vive le Prolétariat international !”.

Parmi les vingt-sept figure notamment un professeur vietnamien communiste membre de
l’association des Amis de l’Union Soviétique, Huynh Kuong An. Dès le début de la guerre, il milite dans la clandestinité et écoute Radio Moscou dont il utilise les informations pour la rédaction de “Russie d’aujourd’hui”. Titus Bartoli, professeur en retraite de Digoin, écrit dans sa lettre “je meurs avec courage, avec l’espoir que mon idéal triomphera”. Guy Môquet, âgé de 17 ans, communiste et fils du député élu dans le 17e arrondissement de Paris, trouve, dans sa lettre qui est sans doute la plus connue et la plus souvent lue lors de cérémonies en hommage à la Résistance, les mots qui résument l’état d’esprit des vingt-sept : “Ce que je souhaite de tout mon cœur, c’est que ma mort serve à quelque chose (...) Vous qui restez, soyez dignes de nous, des vingt-sept qui allons mourir”.

Tous iront au supplice sans bandeau sur les yeux et chanteront et crieront “Vive la France” , “à bas Hitler”, “vive la Russie”. Jean-Pierre Timbaud ajoutera “Vive le Parti Communiste Allemand”. Le même jour, seize autres otages seront fusillés à Nantes, dont cinq des dirigeants d’anciens combattants, et cinq autres Nantais au Mont Valérien. On retrouvera, outre les lettres des fusillés, de nombreux témoignages de leur courage et de leur idéal, soit dans les récits de ceux qui les ont connus (Fernand Grenier dans “c’était ainsi” et “ceux de Châteaubriant”, Albert Ouzoulias dans “les bataillons de la jeunesse”), soit en lisant les inscriptions faites sur les murs de leurs baraquements, dont celle de Henri Barthélémy : “Vive le Parti communiste qui fera une France libre, forte et heureuse.” et du Nantais David Emile : “Les vingt-sept qui vont mourir gardent leur courage et leur espoir en la lutte finale et la victoire de l’U.R.S.S., libératrice des peuples opprimés.

Par les lâches exécutions d’otages, les nazis croyaient intimider les patriotes et retourner
contre eux l’opinion française. Il n’en fut rien, et d’ailleurs les Partisans surent leur donner la réponse qui convenait en exécutant des officiers allemands en représailles à la mort des Résistants. La nouvelle de l’assassinat des 27 de Châteaubriant, militants parmi les meilleurs de la classe ouvrière, de son Parti et de son syndicat de classe, amplifiera la haine des Résistants pour l’occupant hitlérien et ses valets et leur volonté de porter des coups toujours plus durs à l’ennemi pour hâter la victoire finale.